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est jeune et vibrante. Les applaudissemens crépitent et les interruptions se croisent. Elle est active et hardie. Les commissions sont envahies, les séances prolongées. Les Communes siègent sans interruption. La machine législative roule avec une activité fébrile.

Lord Lansdowne serre le frein. S’il bloque trop vile ou trop complètement, une catastrophe est possible. Il sait l’éviter ou, du moins, l’ajourner. Plus diplomate que politique, fermé aux exigences doctrinales, ouvert aux concessions nécessaires, lord Lansdowne est guidé par un tact infaillible. Il ne laisse tomber le contrepoids, la guillotine du veto, qu’à coup sûr. Les lois qui garantissent aux syndicats l’insaisissabilité de leurs caisses et donnent aux vieillards des pensions sans contribution préalable, sont contresignées par les Pairs, bien qu’elles méconnaissent des principes posés et violent des décisions prises par la Chambre Haute ; mais lord Lansdowne redoute les colères ouvrières. Au contraire, il arrête la réforme sur la patente des tavernes, parce qu’il escompte la gratitude des débitans de boissons. Tous les Bills qui introduisent en Ecosse le principe irlandais de la double propriété du landlord et du tenancier, ou organisent une timide enquête sur la plus-value des terres, sont rejetés sans scrupules. L’Ecosse est inféodée au radicalisme : les Pairs peuvent donc, sans redouter de desservir le parti conservateur, en lui aliénant des électeurs déjà hostiles, prendre en main la défense des grands domaines. Mais si une loi beaucoup plus grave, réservée à la seule Angleterre, pose les deux règles de l’expropriation forcée et de la nationalisation agraire, et fournit aux corps élus ou, à leur défaut, à des fonctionnaires nommés, les armes nécessaires pour créer une nouvelle classe sociale, celle des fermiers de l’Etat, des paysans à vie, lord Lansdowne la laisse passer. Il ne faut pas laisser croire au journalier agricole que l’aristocratie terrienne est opposée, a priori, au morcellement du sol. Il importe de ramener dans le bercail conservateur ces brebis momentanément égarées. Et le Small Holdings and Allotments Act (1907) est approuvé par les Pairs.

Mais ces concessions ne pouvaient empêcher la Chambre Haute de recueillir, tôt ou tard, le lourd héritage d’impopularité des George dont ils continuent, à la place de leurs successeurs directs, le contrôle vigilant sur les revendications démocratiques. Jamais la poussée n’avait été plus forte. Jamais le frein