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servir de prétexte à l’accroissement de ses contributions. Adam Smith, non moins incisif, s’apitoie sur le sort de ces malheureux fermiers qui, n’osant avoir un bon attelage de chevaux ou de bœufs, s’efforcent de cultiver leurs terres « avec les instrumens de labour les plus chétifs et les plus mauvais possible pour faire semblant d’être pauvres et de paraître hors d’état de rien payer. » Comme remède à cette situation pitoyable, les économistes demandent que la taille arbitraire soit supprimée dans toutes les provinces où elle existait encore, que la taille tarifée soit transformée en un impôt réel, assis sur les biens fonds sans avoir égard à la personnalité des contribuables et ne comportant aucune exemption qui ne fût motivée par l’intérêt public.

Le gouvernement de Louis XVI n’osa entreprendre une œuvre de pareille envergure. Il se borna à encourager les efforts des assemblées provinciales pour améliorer sur certains points la répartition des tailles. C’était à l’Assemblée constituante qu’il appartenait de réaliser les réformes depuis longtemps désirées et de mettre un terme, par la création d’impôts réels, aux abus intolérables des impôts personnels.


II. — LA CAPITATION

La capitation fut établie en janvier 1695 pour subvenir aux frais occasionnés par la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Les finances du royaume étaient à ce moment dans un dénuement complet. Le contrôleur général Pontchartrain, après avoir épuisé les expédiens connus, pratiqué tour à tour les emprunts à gros intérêts, les avances sur contributions, les créations d’offices, imagina d’instituer une sorte d’impôt national qui, dans des proportions déterminées par un tarif, mettrait à contribution tous les habitans du royaume. A cet effet, il fit procéder à un dénombrement général de la population et répartir les chefs de famille en vingt-deux classes. La première, où figuraient le Dauphin, les princes du sang, les ministres, les fermiers généraux, était imposée à raison de 2 000 livres ; la deuxième, qui comprenait les ducs, les maréchaux de France, les gouverneurs de province payait 1 500 livres ; la troisième, 1200 ; la quatrième, 1 000, et ainsi de suite jusqu’à la vingt-deuxième et dernière où