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la situation financière, elle dut être remise en vigueur dès que la guerre avec l’Espagne eut éclaté en 1701. Cette fois, elle fut conservée lors de la signature de la paix et, sous réserve de modifications peu importantes, elle subsista jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. A la veille de la Révolution, elle rapportait au Trésor une quarantaine de millions par an.

Lors de son l’établissement en 1701, la capitation fut complètement transformée et cessa d’être un impôt par classes. Au lieu d’atteindre les contribuables conformément à un tarif, elle devint un impôt de répartition dont les contingens furent établis pour chaque province conformément aux rôles des tailles. Chaque contingent fut divisé en deux parts : l’une, de beaucoup la plus considérable, fut assignée aux taillables ; l’autre, fixée à un chiffre minime, fut payée par les privilégiés : nobles, bourgeois, etc. De la première, nous ne dirons rien : la capitation taillable présenta tous les abus, toutes les inégalités de la taille, sur lesquels nous nous sommes précédemment étendu. La seconde, au contraire, fut établie d’après des règles spéciales qui méritent de retenir un instant l’attention.

Pour tous les privilégiés en effet, pour tous les « non-taillables, » comme on disait alors, la capitation constituait un véritable impôt sur le revenu, assis sur les facultés globales de chaque redevable. Les villes franches, les compagnies de finances ou de justice, les corporations étaient imposées par l’intendant à une somme forfaitaire, dont elles répartissaient à leur gré le montant entre leurs membres. Certaines municipalités, comme celle de Paris, en profitèrent pour créer une sorte d’impôt somptuaire atteignant à la fois les loyers, les domestiques, les chevaux et voitures. D’autres préférèrent s’en rapporter « à la commune renommée » et taxer chaque contribuable d’après son genre de vie, sa situation de famille. En vain, les intendans cherchèrent-ils à asseoir l’impôt sur des bases certaines, à provoquer l’institution des tarifs officiels ; les villes s’y refusèrent. En pareille matière, disaient les échevins d’Amiens, « on ne peut que s’en rapporter à la notoriété publique... Vouloir tenter d’acquérir des connaissances plus exactes et plus sûres... serait exercer, sans que le fisc même y gagnât, une sorte d’inquisition qui paraîtrait odieuse, plus odieuse que l’inexactitude des cotes ne pourrait être à charge. »

D’après ces principes, la capitation fut établie suivant les