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renseignemens plus ou moins vagues qui parvenaient à la connaissance des municipalités. À Troyes par exemple, — et il en était de même dans la plupart des localités, — on voit en parcourant les dossiers conservés aux archives départementales que tel bourgeois est taxé à 120 livres « parce qu’il a un bon carrosse, une maison à lui bien meublée…, pour environ 25 à 30 000 livres de vaisselle d’argent…, parce qu’il jouit d’une bonne table et possède un revenu considérable. » Tel autre est taxé à 250 livres « parce qu’il tient un commerce considérable où il a sûrement gagné, et que la mort de sa femme n’a pu changer son état de fortune. » Tel autre ne paye que 80 livres « parce qu’il habite une grande maison où beaucoup de réparations sont à faire depuis des années… ; on croit qu’il a subi des pertes d’argent et se trouve peu à l’aise dans ses affaires. « Avec des rôles établis dans de pareilles conditions, on conçoit qu’il fut presque impossible aux contribuables de vérifier le montant de leur imposition, de s’assurer que leur côte n’avait pas été majorée pour une cause quelconque. Se croyaient-ils surtaxés, étaient-ils tentés de réclamer, les pièces innombrables exigées d’eux à l’appui de leurs dires, la longueur des procédures, les frais en résultant, tout les dissuadait de faire valoir leurs droits.

La noblesse jouissait du privilège d’être directement taxée par l’intendant. Mais, les gentilshommes étaient imposés d’une façon non moins arbitraire que les bourgeois des villes franches. Il existe aux archives de Rouen un cahier de notes pour servir à l’imposition de la capitation noble dans l’Élection de Dieppe, qui permet de saisir sur le vif la manière dont opérait l’administration. Sur ce cahier chaque gentilhomme est porté à un article spécial où sont résumés tous les renseignemens recueillis sur ses biens (achats ou ventes de propriétés, successions, etc.), sur sa personne, son mariage, le nombre et l’âge de ses enfans. La plupart des articles se terminent par une note générale, dont quelques exemples pris au hasard permettent de juger la teneur :

« M. X… avait une fortune très jolie pour un garçon ; mais il en a dissipé une grande partie… il ne doit pas avoir actuellement plus de 400 livres de rente et sa capitation peut être fixée à 20 livres.

« Le sieur de B… jouit de plus de 10 000 livres de rente ; il