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est très aisé, amasse tous les jours et n’a rien pris sur son revenu pour marier sa fille ; il n’est donc point dans le cas de voir sa capitation modérée.

« Le sieur de V... jouit de 2 000 livres de revenus ; il s’est remarié ; l’on croit qu’il y a un enfant de ce dernier mariage, mais aussi il a une dot de sa femme, il ne fait pas de dépense ; son imposition à 30 livres n’est pas trop forte. »

Ailleurs : « On ne connaît pas le bien de M. de M... ; il a encore monsieur son père qui paye capitation dans la généralité d’Amiens. M. de M... a épousé la fille du sieur B..., négociant à Dieppe, mort riche en effets... M. de M... tient à Dieppe l’état d’un homme riche et passe pour tel. »

Ailleurs encore : « Il est certain que le sieur de M... jouit de plus de 6 000 livres de rente, qu’il n’en dépense pas 1 000 par an, qu’il est le plus crasseux gentilhomme du pays, qu’il a deux grands enfans âgés de plus de trente ans qui ne servent point et n’ont eu aucune éducation. »

Certains des intéressés se récrient, protestent contre la fausseté des renseignemens qui ont servi de base à leur imposition. Le sieur de V... qui est noté comme un gentilhomme verrier « riche et aisé..., ayant amassé du bien dans une verrerie qu’il a fait valoir longtemps et où il a été heureux, » réclame avec véhémence. « Il est bien vrai, dit-il, que j’ay fait valoir une verrerie ; mais, bien loin qu’elle m’ait enrichi, je suis en état de prouver qu’elle ne m’a été d’aucun avantage. » L’erreur était manifeste. L’administration n’en disconvient pas ; mais répond avec hauteur que le sieur de V... « est imposé au-dessous de ce qu’il devrait payer ; » qu’il ne vienne donc pas demander une diminution d’impôt... « C’est une augmentation qu’on devrait lui infliger, car il jouit de plus de 4 000 livres de rente ; ses enfans sont bien placés, son fils aîné marié richement et non imposé demeurant avec lui : »

Ces quelques extraits montrent avec quelle légèreté les rôles de la capitation noble étaient établis dans l’Election de Dieppe. A chaque page, le cahier de notes renferme des mentions dans le genre de celles-ci Le sieur X... « passe pour avoir tant de rentes ; » ou bien « est réputé pour avoir tant de revenus ; » ou encore, « on ne connaît pas exactement la fortune du sieur de Z... mais on croit qu’elle s’élève à tant. » Ce qui se passait dans ce coin de Normandie se répétait par toute la France. En réalité,