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discrétion d’un adversaire et d’un rival qui le renverserait d’une chiquenaude quand il voudrait. Un homme de second ou de troisième plan pouvait accepter cela, et peut-être M. Giolitti s’en serait-il plus longtemps accommodé. On ne peut pourtant pas reprocher à M. Giolitti d’avoir personnellement créé des embarras à son successeur, car il avait quitté Rome et affectait de ne se mêler de rien ; mais ses amis n’avaient pas la même réserve, ni la même patience ; la logique des choses était sur eux la plus forte, et M. Sonnino sentait autour de lui une atmosphère de défiance et d’hostilité. Il s’y est soustrait en démissionnant. Chose curieuse : sa démission, comme celle de M. Giolitti il y a quelques semaines, a eu un caractère préventif. L’un et l’autre ministre sont partis sans attendre d’avoir été mis en minorité, M. Giolitti par la crainte, et M. Sonnino par la presque certitude de l’être. Et tous les deux sont venus se buter à la même question, celle des subventions à la marine commerciale, une question presque insoluble dans l’état de rivalité où sont les compagnies maritimes et avec les divisions régionales de l’Italie elle-même. Un instant, l’amiral Bettolo, ministre de la Marine, a cru avoir trouvé une solution ; personnellement sympathique, il l’a exposée à la Chambre et a été fort applaudi. Son succès malheureusement n’a pas eu de lendemain. Voilà donc M. Sonnino parti après M. Giolitti, et laissant après lui des difficultés encore accrues. Le plus simple serait que M. Giolitti reprit le pouvoir ; mais le voudra-t-il ? S’il s’y refuse, le Roi sera sans doute obligé de recourir à un ministère de transition, neutre, effacé, qui ne portera ombrage à personne et qui, pour ce motif même, obtiendra peut-être une trêve des partis plus franche et plus longue que celle dont M. Sonnino n’a eu que l’espérance.


Nous avons peu de chose à dire, si ce n’est que nous nous en réjouissons, du rétablissement de bons rapports entre l’Autriche et la Russie. Malgré les obscurités qui continuent d’envelopper l’origine de l’événement, il semble bien que l’initiative en appartienne à l’Autriche ; mais les conditions en oui été déterminées par la Russie. Il est vrai qu’après les avoir acceptées, en affectant d’ailleurs de n’y attacher aucune importance, l’Autriche a jugé inutile, contrairement au sentiment de la Russie, d’en donner communication aux puissances. Ces conditions sont au nombre de trois : maintien du statu quo dans les Balkans, développement des États qui s’y sont formés, sympathie pour le gouvernement ottoman. Dans l’échange de lettres à ce sujet, l’Autriche a déclaré qu’elle ne faisait aucune objection à ces trois.