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député à la Chambre wurtembergeoise, avait, elle aussi, sommé l’Etat de laisser l’Eglise en paix ; sa vieillesse d’évêque allait-elle contredire sa jeunesse et favoriser un mouvement qui déjà tendait et qui sûrement aboutirait à refaire du pouvoir civil l’arbitre des dogmes et des consciences ? Hefele savait que s’il se soumettait au Concile, il serait accusé de palinodie ; on dirait qu’il foulait aux pieds ses scrupules d’érudit. Mais faire comme Dœllinger, n’était-ce pas donner un démenti à tout un passé d’homme d’Eglise, n’était-ce pas effacer de sa propre vie les heures fécondes où il avait travaillé pour l’émancipation de l’Eglise ? On peut supposer que l’esprit de Hefele se débattait dans ces contradictions accablantes, lorsqu’il lut une brochure écrite par Fessier, le propre secrétaire du Concile. Cette brochure, qui s’intitulait : La vraie et la fausse infaillibilité, le calma et le rassura. A l’encontre, il apercevait « un parti qui, sans cran d’arrêt, de plus en plus clairement, se laissait glisser vers un schisme, avec l’alliance pernicieuse d’élémens étrangers. » Hefele préféra l’Eglise telle que la présentait Fessier.

Le 10 avril 1871, l’église de Rottenburg et la faculté de Tubingue furent informées, par un mandement, que l’illustre historien des conciles s’inclinait devant la dernière assemblée du Vatican ; et cet acte, qui rendait à Hefele « la paix intérieure, » consacra l’harmonie de l’épiscopat allemand. A Eichstadt, du 7 au 9 mai, se réunissaient ou se faisaient représenter les évêques de tout l’Empire : ils affirmaient, dans une lettre pastorale, qu’en face de l’orgueil de la science allemande la décision du Concile était providentielle. On avait espéré qu’ils s’insurgeraient contre la définition, et voici qu’ils en venaient, au contraire, à en proclamer l’opportunité.

La « science, » ainsi, subissait une première défaite : elle avait détaché de Rome une poignée de fidèles, et c’était tout. Les appuis dont elle s’était flattée dans les hauts cercles de l’Eglise se dérobaient ; elle ne pouvait plus compter que sur la complaisance des Etats. Dans la quinzaine même qui avait suivi la proclamation de l’infaillibilité, l’Autriche avait déchiré les rares pages du Concordat qui étaient encore intactes ; le pouvoir avec lequel jadis elle avait contracté lui semblait si radicalement transformé par les décisions œcuméniques. Qu’à proprement parler il n’existait plus ; il y avait aux yeux de l’Autriche une papauté nouvelle, différente de celle qui avait négocié et signé