Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/848

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

question toute spirituelle qui n’intéresserait pas le temporel : le ministère doit plutôt partager l’opinion de ceux qui y reconnaissent une altération essentielle des rapports entre l’Etat et l’Eglise et un péril pour les fondemens politiques et sociaux de l’Etat. » Ainsi se dévoilait, entre Lutz et la fronde théologique, une « communauté d’opinion, » qui d’ailleurs ne pouvait surprendre personne, puisqu’un ministère dont faisait partie Lutz, et que présidait Hohenlohe, avait effectivement fait effort, naguère, pour entraver le Concile. Le 10 avril, les vieux-catholiques de Munich, qui disaient être 12 000, représentèrent à Louis II, dans une adresse, les périls de la nouvelle doctrine pour la constitution du royaume. Il y avait là un point sur lequel Louis II, Lutz, les vieux-catholiques pensaient de même, et le pacifique Grégoire Scherr, archevêque de Munich, regrettant assurément son ancienne cellule de bénédictin, pronostiquait avec douleur, dans une lettre au Roi, de grands troubles dans l’État, une apostasie en masse, une persécution, La hiérarchie romaine allait être conduite, par le respect naturel de ses propres sacremens, à priver de l’absolution, du viatique, des obsèques religieuses, tels de ses fidèles d’hier, aujourd’hui rebelles aux dogmes ; ou bien à déclarer excommuniés les vieux-catholiques qui en appelaient à Louis II des verdicts épiscopaux : un conflit avec l’Etat, dès lors, paraîtrait plus proche encore. Car ces vieux-catholiques ainsi traités, se cramponnant, tenacement, à la seule Église catholique que connût l’État bavarois, prétendraient avoir droit aux faveurs spirituelles de cette Eglise et réclameraient de l’État qu’il les leur assurât ; ou bien ils diraient : « Nous voilà excommuniés pour avoir usé du droit de pétition au Roi, » et ils réclameraient de l’État qu’il les vengeât. Les évêques, de leur côté, dans une lettre du 15 mai, insistaient auprès du Roi pour qu’il supprimât le placet et cessât de se mêler des choses d’Église ; leur vœu comportait une réponse. Les questions issues du Concile obsédaient Lutz, elles le cernaient, elles le pressaient, elles recelaient le germe de querelles interminables, non moins troublantes pour le calme de sa chancellerie que pour la paix du royaume ; elles l’aigrissaient contre l’Église, et les Grenzhoten notaient avec joie que Louis II et le ministère ne se faisaient pas représenter à la procession de la Fête-Dieu. Cette bouderie contre le Très-Haut annonçait peut-être une prochaine rupture avec son vicaire.