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rapprochaient d’eux que par cette négation, et s’embarrassaient fort peu des autres articles du Credo, On organisait une Eglise comme dans une académie s’organise une coterie ; on ébauchait des cadres ecclésiastiques, et l’on cherchait ensuite un peuple pour l’y faire entrer.

Les laïques étaient venus par milliers à certains meetings vieux-catholiques : mais autre chose est de manifester et de voter, autre chose de prier. Une Eglise est tout d’abord une organisation de prières, et parmi les laïques qui priaient, presque tous étaient restés ailleurs. Le vicaire Jentsch, qui bientôt allait devenir vieux-catholique, s’en rendait compte : « Les Eglises, écrivait-il, ne sont pas fondées par des professeurs, mais par des mouvemens de masses. » « Les masses, elles ne bougeront pas, » disait à Hohenlohe le comte d’Arco. Sauf en Bade, où çà et là des paysans y viendraient spontanément, l’Eglise vieille-catholique demeurerait une société choisie, comme s’en réjouissait naïvement devant M. Jentsch une dame plus savante qu’intelligente. Bismarck raisonnait mieux qu’elle lorsqu’il disait que les 275 paysans vieux-catholiques de Mering comptaient plus pour lui qu’une douzaine de professeurs, et c’était aussi, sans doute, l’avis de Hegnenberg, le président du ministère bavarois, qui avouait sans ambages à Lefebvre de Béhaine : « Ce mouvement religieux sans pensée religieuse n’a aucune chance de se propager. »

La force de la logique et la pente de l’histoire avaient engagé l’Eglise universelle dans une voie dont le Concile de Trente marquait la plus récente étape ; au moment où elle accomplissait une étape nouvelle, des savans déconcertés et chagrins avaient essayé d’échafauder devant elle, sur toute la largeur de la route, une barricade de chicanes historiques qu’ils avaient crue infranchissable. Le Concile avait passé outre ; alors leur science désappointée, au lieu de s’effacer devant ce nouvel acte de la vie de l’Église, continuait d’y opposer la lettre morte de certains textes, et fondait une autre Eglise qui serait, avant tout, une institution de polémique.

On savait, dans les cercles d’État, que ces professeurs n’avaient pas l’étoffe des grands remueurs d’hommes. Lutz les soutenait contre les évêques, mais regrettait pourtant la décision de leur petit concile. Hohenlohe, adversaire passionné de l’infaillibilité, sentait en eux des alliés, mais non point une force,