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persuader ; non d’exaspérer, mais de calmer. Pour y arriver, et pour être renseigné d’abord sur les moindres modifications de l’esprit public, l’institution à laquelle on a le plus volontiers recours, et qui devient une des plus caractéristiques de l’époque, c’est la police. Les rapports des agens secrets qu’elle emploie remplissent, par milliers, les archives de Florence. Si elle laisse éclater un mal jusqu’au moment où la répression est devenue nécessaire, elle manque à son rôle : elle doit être préventive. Elle n’expulse pas les étrangers, mais elle les surveille ; elle ne les punit pas, elle les devance. Et la censure, son auxiliaire, n’agit pas autrement. Elle arrête même les pièces où l’on attaque Napoléon, parce que le nom de Napoléon est déjà de trop ; il ne faut pas le rappeler, même pour le maudire ; il importe que, dans tous les esprits, le souvenir s’assoupisse, doucement. Le Testament de Napoléon ? Cela sonne mal. Changez le titre, et publiez : Les dernières dispositions d’un souverain déchu, si vous voulez. Les nouvelles de l’Europe sont toujours bruits fâcheux, que suivent de fâcheuses secousses : on les empêchera de circuler. A quoi bon d’ailleurs ? Passe encore pour Livourne, qui, étant port de commerce, a quelque intérêt à connaître ce qui se passe au dehors ; mais Florence ? Inutile de troubler l’atmosphère où elle s’endort. On se méfiera donc des journaux, même des journaux littéraires, qui tournent volontiers à la politique ; on les interdira, ou bien on les surveillera de très près. Semblables principes gouvernent la législation : les codes que la domination française avait apportés avec elle sont abolis ; aussi bien les lois importent-elles peu : la bonne justice est celle qui conserve pour les individus des égards suffisans. Qu’on revienne au passé, partout ; qu’on supprime l’organisation napoléonienne de l’Université, voire les chaires de français elles-mêmes ; qu’on se hâte de rendre l’enseignement aux congrégations, qui rentrent, innombrables. Qu’on assure dans tout le pays, avec l’oubli des dernières années, la paix profonde du sommeil. C’est la méthode qu’on applique ici, parce qu’elle convient au caractère pacifique des habitans, et parce que la tradition l’impose autant que l’intérêt : ailleurs, on usera de procédés différens, et la violence remplacera la douceur. Chaque province représente un traitement particulier : aucune ne ressemble à ses voisines, et on aurait tort de prendre la Toscane comme un exemple général. Ils sont restés tristement célèbres, ces procès du royaume