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l’existence d’un mouvement catholique s’ensuit logiquement. Car le catholicisme vit toujours dans les âmes italiennes ; et quand on demande une morale, il se présente de lui-même. Tels qui avaient pu se séparer du dogme restaient attachés aux formes traditionnelles d’une religion séculaire : une rénovation morale les ramène au dogme, spontanément. Pour un homme comme Gino Capponi, les deux élémens sont indissolubles. Voyez Silvio Pellico, qui, jeté philosophe dans les prisons du Spielberg, s’y réveille catholique ; écoutez la formule qu’il nous donne, et qui résume la transition que nous voyons s’opérer ici : « Voici longtemps que mon âme cherche, en dehors du christianisme, une doctrine qui encourage sa perpétuelle aspiration à la vertu. Mais qu’est-ce que le christianisme, si ce n’est cette perpétuelle aspiration ? Il est extraordinaire qu’alors que le principe du christianisme apparaît si pur, si inattaquable, si philosophique, il soit venu une époque où la philosophie ait osé lui dire : Je vais me substituer à toi... Et de quelle façon le remplacerez-vous ? En enseignant le vice ? Non, certainement. En enseignant la vertu ? Eh bien ! cette vertu, ce ne peut être autre chose que l’amour de Dieu et du prochain : c’est justement ce que le christianisme enseigne... » C’est ainsi que raisonnaient les âmes moyennes, celles qui intéressent l’observateur dans la mesure même où elles ressemblent à beaucoup d’autres. Les esprits supérieurs les dépassent, en exprimant ce qu’elles contiennent de plus profond et de meilleur, mais ce sont elles qui les soutiennent. Le catholicisme de Manzoni plonge dans le sol italien des racines solides et vigoureuses : si l’arbre est fort, c’est que le sol est fécond. Tous les milieux que l’individu a traversés deviennent des épreuves qu’il a dû subir, et qui lui servent. Sa jeunesse, l’influence de sa mère, la société d’Auteuil, tout aura contribué à former son esprit, et à l’élargir. L’homme, instruit par la vie, inspiré par l’opinion publique qui le pousse, et dont il est heureux d’avoir retrouvé le courant, n’a plus qu’à laisser parler en lui le long instinct de la race, pour que tous ces élémens réunis nous donnent maintenant la physionomie propre, et comme l’essence de son catholicisme.

Nous la trouverions, pour notre compte, dans cette « eurythmie » qui reste, à travers les âges, un des traits dominans de la religiosité italienne. Elle est fondée sur le bel équilibre du génie latin, qui ne permet pas qu’une faculté l’emporte sur une