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sortir de l’infériorité où nous l’avons vue si longtemps, elle doit ce progrès, dans une certaine mesure, aux encouragemens qu’ont reçus du prince les auteurs et les artistes. J’ajouterai, sans crainte d’être démenti par personne, que le concours intelligent et gracieux de la princesse diminuait les difficultés de sa tâche ardue. Mais il était aidé, surtout, par la conscience de son propre succès et par la popularité croissante qui récompensait ses efforts.

Quelle meilleure preuve donner de cette popularité que l’explosion de tendre sympathie qui salua sa convalescence après la maladie qui mit sa vie en danger durant les dernières semaines de 1871 ? J’étais alors en Angleterre et je me rappelle avec quelle anxiété profonde étaient attendus les bulletins qui tenaient le public, jour par jour, heure par heure, au courant des phases de la fièvre typhoïde, dont les émouvantes alternatives faisaient succéder l’un à l’autre les sentimens les plus opposés de l’espérance et de la crainte.

Je me rappelle surtout cette journée du Thanksgiving, la première et la seule journée monarchique à laquelle il m’ait été donné d’assister. J’avais une place dans une tribune à Saint-Paul pour la cérémonie et je viens d’exhumer d’un tiroir ce vieux billet qui, — détail caractéristique ! — porte le plan de la cathédrale avec l’indication du chemin à suivre et du siège à occuper. Je n’ai pas fait usage de ce morceau de carton parce que, à cette cérémonie, si savamment réglée, je préférai l’étonnant spectacle de la rue où la joie populaire se donnait un libre cours et prenait toutes sortes de formes improvisées. Ceux qui ont assisté, chez nous, à la fête du 14 juillet, pendant les premières années qui suivirent son institution, se feront une idée du spectacle que présentaient les rues de Londres pendant l’après-midi et la soirée de ce jour-là.

Les mêmes sentimens se manifestèrent, quoique d’une façon plus restreinte, lors d’un grave accident qui arriva au prince de Galles pendant un séjour chez M. F. de Rothschild en 1898, et, aussi, en 1900, lorsqu’une brute à demi fanatisée, à demi inconsciente, tira sur lui, presque à bout portant, dans une des gares de Bruxelles et le manqua.

Évidemment, le peuple anglais tenait son existence pour très précieuse. Est-ce parce qu’on le croyait réservé à de grandes choses ? En vérité, je ne le pense pas. Sauf pendant son voyage