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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/957

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pays. Les autres, ceux qui aiment la vie, le mouvement, le progrès, maintiendront au pays le droit de parler le même jour d’un bout à l’autre du territoire, et de faire entendre sa voix assez haut pour qu’elle soit obéie.

La déclaration ministérielle parle aussi de la réforme administrative et nous constatons avec plaisir qu’il ne la lie pas à la réforme électorale qu’elle aurait singulièrement alourdie et entravée. Les deux réformes doivent être indépendantes l’une de l’autre. La seconde, sans doute, rendra la première plus facile ; elle ne lui donnera toutefois qu’une facilité relative ; la difficulté restera très grande et il faudra certainement, si elle doit être vaincue, plus d’une législature pour la vaincre. Ce sont là des questions d’avenir. Qu’on les pose dès aujourd’hui, nous ne demandons pas mieux ; mais l’étude en sera longue ; leur discussion ne le sera pas moins et le vote final est encore lointain.

Les questions fiscales ont un intérêt plus actuel : elles se rattachent directement aux questions sociales qui tiennent une grande place dans le programme ministériel. Les secondes coûtent cher ; les premières sont délicates et ardues. Il faut, tout de suite, trouver de l’argent pour mettre à flot la loi sur les retraites ouvrières. Et ce n’est pas tout : il en faudra aussi, et beaucoup, pour l’armée et pour la marine. La déclaration ministérielle énonce bravement toutes ces obligations ; elle ne recule devant aucune ; mais la question des voies et moyens reste entière et la déclaration n’en souffle mot. On attendait avec une attention particulièrement éveillée comment elle parlerait de l’impôt sur le revenu. Héritier d’un passé dont il ne saurait se dégager complètement, puisqu’il y a sa part de responsabilité, le gouvernement ne pouvait pas désavouer le projet d’impôt que la précédente Chambre a voté, après l’avoir, a-t-il dit, « minutieusement » étudié. Soit dit en passant, cet adverbe a provoqué quelque hilarité sur les bancs du Sénat. Que l’ancienne Chambre ait étudié le projet Caillaux « minutieusement, » c’est le moins qu’on puisse dire ; mais que vaut ce projet ? Cela seul importe. La déclaration ministérielle permet d’espérer, ou plutôt autorise à croire que la loi finalement votée ne ressemblera nullement à celle de M. Caillaux. « Elle réalisera la justice fiscale, dit-elle, sans exposer les citoyens aux procédés inquisitoriaux et vexatoires qu’on a essayé de leur faire craindre. » Essayé est ici un moi admirable, mais réussi aurait été plus exact. Quoi qu’il en soit, le texte de la déclaration est, sur ce point, satisfaisant. L’impôt sur le revenu n’a en lui-même rien qui inquiète : ce sont les procédés inquisitoriaux et vexatoires