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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/244

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dit, avait demandé qu’on donnât à la Crète un statut définitif. A cela les quatre puissances n’avaient qu’une chose à dire, à savoir qu’elles n’avaient pas qualité pour traiter une pareille question. Si on jugeait opportun de la poser, on devait s’adresser à l’Europe entière, ou du moins aux puissances signataires du traité de Berlin. L’Angleterre, la France, l’Italie comme puissances méditerranéennes, la Russie à cause du grand rôle qu’elle a toujours joué dans les questions orientales et des intérêts politiques qu’elle y conserve, ont pu être chargées, il y a quelques années, de veiller particulièrement au sort de la Crète ; mais elles ne l’ont pas été de lui donner un statut définitif, ni de résoudre les multiples questions internationales qui sont soulevées autour d’elle. Leur mandat est plus limité. N’oublions pas que l’Allemagne et l’Autriche se sont autrefois associées à elles pour opérer en commun le blocus de l’île. Un jour le prince de Bülow, usant d’une de ces métaphores spirituelles et familières dans lesquelles il exprimait volontiers sa pensée, a déclaré que, sans renoncer à faire partie du concert européen où d’autres puissances jouaient à ce moment d’instrumens plus sonores, il déposait la flûte allemande, sauf à la reprendre plus tard. L’Allemagne s’est alors retirée du concert, et l’Autriche l’a suivie, mais l’une et l’autre se sont réservé le droit d’y rentrer le jour où il s’agirait de prendre des résolutions définitives. Ce droit, croyons-nous, a été maintenu depuis lors en termes explicites, et nous ne sachions pas que l’Allemagne et l’Autriche soient disposées à y renoncer. Ce n’est donc pas à quatre puissances, mais à six, que la Porte devra s’adresser si elle persiste à penser que le moment est venu de donner un statut définitif à la Crète, ce que nous ne croyons pas pour notre compte. A la réflexion elle jugera peut-être que nous avons raison de ne pas le croire, et que le mieux pour elle est de se contenter de la reconnaissance éclatante de sa souveraineté faite par les puissances protectrices, à la condition, bien entendu, que le gouvernement crétois ne persiste pas dans la prétention d’obliger les députés musulmans à prêter un serment qui serait la négation outrageante de cette souveraineté : c’est bien assez que ce serment soit prêté par les députés chrétiens, et c’est peut-être trop. Que ce ne soit pas là une solution, nous le voulons bien ; que ce soit de l’empirisme, nous sommes les premiers à le reconnaître ; mais l’empirisme est quelquefois l’expression même du bon sens.

La note des quatre puissances appelle aussi l’attention de la Porte sur une question de fait qui se rattache à l’intérêt, très grand à leurs