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LES
CARNETS DE GUSTAVE FLAUBERT

Une nouvelle édition des œuvres de Gustave Flaubert est actuellement en cours de publication[1]. Cette édition s’imposait. Car, après trente ans qu’il est mort, le moment est venu, semble-t-il, de traiter l’auteur de Salammbô comme un classique et de livrer au public tout ce qui, dans l’héritage du grand écrivain, peut intéresser la curiosité de ses admirateurs.

Une masse considérable d’inédit va donc s’ajouter à ce que nous en possédions déjà : esquisses et brouillons des œuvres publiées de son vivant, œuvres de jeunesse, scénarios dramatiques, plans développés de nouvelles et de romans, impressions de voyages, notes écrites au jour le jour sur les sujets les plus variés. Il avait même conservé quelques-uns de ses devoirs de collège, qui ont été pieusement recueillis et classés par sa nièce, Mme Franklin-Grout. Si tentante que fût l’entreprise, néanmoins on a cru impossible de publier intégralement tout cet inédit, fût-ce à titre documentaire. Il y faudrait des volumes, qui risqueraient d’écraser sous leur nombre la demi-douzaine que Flaubert avait jugés dignes de voir le jour.

En effet, ce qu’il a écrit dépasse de beaucoup ce qu’il a publié. On oublie trop que son existence se partage en deux moitiés très inégales, ce que j’appellerais sa vie publique et sa vie cachée. Cette dernière fut bien plus féconde et plus considérable que l’autre. Lorsqu’il fit paraître, en 1857, Madame Bovary, il y avait plus de vingt ans qu’il noircissait du papier. Vers 1840, il commence, à proprement parler, son métier d’auteur ; il compose, avec des Velléités intermittentes de publication. Et, jusqu’à son dernier souffle, il a rêvé, pensé, imaginé, ébauché :

  1. Chez l’éditeur Louis Conard, qui vient de publier, dans le même format et suivant la même méthode, les œuvres de Guy de Maupassant.