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d’Amérique vont être ballottées, au hasard des succès rivaux de chefs sans envergure ; elles seront la proie des agitateurs provinciaux, des caudillos, tandis que les hommes vraiment éminens, les Bolivar, les San Martin, finiront méconnus, dans le découragement ou dans l’exil. Chassé du Venezuela, puis de la Nouvelle-Grenade par le général espagnol Morillo, Bolivar s’était réfugié dans l’île d’Haïti ; là, des commerçans hollandais lui fournissent des fonds pour l’équipement d’une escadre et beaucoup de volontaires anglais se groupent autour de lui. La flotte espagnole, dispersée devant l’île Margarita, ne peut s’opposer au débarquement des patriotes (mai 1816) ; l’année suivante, un Congrès national est réuni qui, parmi des négociations confuses, des marchandages, des intrigues où plus d’une fois Bolivar est près de perdre patience, finit par proclamer l’indépendance du Venezuela (1819). En 1820, la République Colombienne est constituée par l’union du Venezuela, de la Nouvelle-Grenade, et de l’Equateur ; mais le nouvel Etat, victime de coteries centrifuges, se dissoudra dès 1831.

Au Pérou, l’administration espagnole, mieux organisée, résista plus longtemps ; San Martin, qui avait refusé le pouvoir suprême dans le Chili émancipé, se laisse gagner par l’ambition de fonder un empire péruvien ; il ne réussit qu’à surexciter des jalousies rivales, et les Espagnols rentrent dans Lima (1822), tandis que lui-même part pour l’Europe, qu’il ne quittera plus désormais. Bolivar, appelé de la République Colombienne, envoie d’abord son lieutenant Sucre, qui ne peut rétablir la concorde entre les chefs ; il arrive alors en personne, bat les généraux espagnols Canterac et Valdez et reçoit de la reconnaissance des Péruviens le titre de dictateur à vie ; mais, dès 1825, les provinces du Haut-Pérou font sécession et s’érigent en une république distincte, la Bolivie. Au Mexique, Iturbide, empereur provisoire sous le nom d’Augustin Ier (1822-1823) succombe dans une guerre civile ; il n’a pas pu maintenir l’union avec le Mexique de l’ancienne capitainerie générale du Guatemala et celle-ci, d’abord confédération de petites sociétés concurrentes, se morcelle (1832) en ces cinq républiques qui n’ont pas su jusqu’à nos jours fonder les Etats-Unis de l’Amérique Centrale. En Argentine, les dissensions s’avivent, malgré les résolutions du Congrès de Tucuman, entre unitaires et fédéralistes ; les Brésiliens s’emparent de la Banda Oriental (Uruguay), le