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construits. Le pays traversé était alors désert. Maintenant des villages se sont créés et, aux stations, des Chinois, venus en nombre du Shan-tung, cultivent les jardins potagers et les champs. Les Russes ont fait des règlemens pour que toute la culture ne tombe pas entre les mains chinoises, mais les profits sont, paraît-il, assez considérables pour que ces règlemens soient constamment tournés. A Nicolsk, point de jonction avec le chemin de fer de Mandchourie, une ville s’est construite. Elle a maintenant plus de 20 000 âmes. Elle est située dans une plaine de plusieurs centaines de kilomètres carrés dont la terre est excellente pour la culture du blé. Des hameaux surgissent qui deviennent d’importans centres de culture et les Coréens arrivent plus nombreux de mois en mois. Il faut dire que, depuis trente ans, une population coréenne d’abord très disséminée s’y est établie. Elle a beaucoup prospéré et nombre de ses compatriotes, franchissant la frontière, viennent l’augmenter. Au commencement de l’occupation de la Province maritime, le gouvernement russe couvrait de sa protection bienveillante cette immigration coréenne, maintenant il se trouve lié par ses anciens règlemens. Il ne peut plus ralentir ce mouvement qui tend évidemment à rejeter la colonisation russe. Les Chinois, arrivent de Mandchourie par milliers ; ils résident maintenant dans le voisinage de Nikolsk et, à la fin de l’été, un grand nombre vient par le chemin de fer pour la récolte. Des moulins à vapeur se voient jusqu’à Chernigovka, à 190 kilomètres de Vladivostock. Ils montrent l’importance de la culture du blé dans cette région. Lorsqu’on 1895, après l’écrasement de la Chine, l’intervention européenne obligea le Japon à évacuer la Mandchourie, la Russie commença à s’étendre vers le Sud : Vladivostock est fermé par les glaces à la petite navigation pendant cinq mois. Elle voulait un port en mer libre. La presqu’île du Liau-Tung fut louée à bail à la Chine et Port-Arthur, maintenant Ryojun et Dalny, maintenant Dairen, s’élevèrent très vite. Les chemins de fer mandchouriens de Nicolsk à Karimskaïa, 1 700 kilomètres, et de Harbin à Port-Arthur, 940 kilomètres, furent construits en cinq ans. La puissance d’attraction, des chemins de fer se manifesta aussitôt. Déjà elle avait produit en Sibérie des effets qu’il faut connaître pour se rendre compte de ce qui va se passer en Mandchourie. En 1853, la Sibérie avait 3 millions 500000 habitans. Ce nombre passe de sept millions