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esprit selon la province, selon qu’elle est à la grande ville, à la petite ville ou au village, selon que le village appartient à la montagne pastorale et forestière ou à la plaine riche en cultures variées. Cela est véritablement difficile. — Difficile, j’en conviens, mais non pas impossible. Si l’école publique était incapable de cette adaptation à cause de sa rigide uniformité, ce serait une marque d’infériorité. Mais est-il donc impossible de donner du jeu, de la souplesse à cet organisme ? Pourquoi ne pas faire de la décentralisation en permettant et favorisant les initiatives des maîtres, celles des départemens, des communes, des groupemens agricoles ? Pourquoi ne pas faire entrer dans la maison, avec le sens de la réalité contingente et diverse, de l’air, de la vie, de la liberté ?

Tel est l’effort que nous demandons à l’école. Il est considérable. Certains le trouveront importun, inopportun et même inutile.

L’importunité est évidente. Il ne s’agit de rien moins que de changer des méthodes, des habitudes, des mentalités, d’exiger plus de travail, de modifier la formation des maîtres, de leur demander une action très personnelle, le don de soi, le don de leur âme dont nous voudrions qu’elle fût entièrement gagnée par le charme de la vie rurale. Mais qu’on y songe bien : l’abandon de la terre est un fait économique et moral d’une portée immense, et il vaut bien quelques sacrifices.

Ceux-là peut-être trouveront l’effort inopportun qui s’occupent volontiers de l’école. Il faut regarder comme un très grand malheur que la question scolaire soit restée en France une question politique et religieuse, si bien qu’il y a toujours des gens pour attaquer l’école telle qu’elle est et d’autres pour la défendre. Dans l’ardeur de la lutte, on néglige un peu le principal, qui serait de la perfectionner. Actuellement, on est à la défense. Je ne sais pas si l’école a besoin d’être défendue, mais je sais qu’en Gascogne, elle aurait besoin d’être modifiée. L’instrument est défectueux si, faute d’adaptation aux conditions dans lesquelles il est employé, il ne rend pas tous les services qu’il pourrait rendre. Il y a ici un mal redoutable qui fait des progrès : la transformation de l’école peut beaucoup pour l’arrêter. Ces idées rencontreront peut-être des résistances. Mais le médecin ne tient pas compte des répugnances, des partis pris, des caprices du malade, quand il précise les indications thérapeutiques que comporte la maladie.