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J’approuve que chacun écrive à sa façon.
J’aime sa renommée et non pas sa leçon.


Et, emporté par sa verve satirique, il fait un bien joli portrait de l’imitateur de Malherbe et un peu, sans paraître y toucher, de Malherbe lui-même, du poète patient et indiscrètement laborieux :


Ils travaillent un mois à chercher comme à fils
Pourra s’apparier la rime de Memphis ;
Ce Liban, ce turban et ces rivières mornes
Ont souvent de la peine à retrouver leurs bornes…
J’en connais qui ne font des vers qu’à la moderne,
Qui cherchent à midi Phœbus à la lanterne…
Sont un mois à connaître, en ta tant la parole
Lorsque l’accent est rude ou que la rime est molle…


Mais lui, en définitive, qu’est-ce qu’il sera bien sur le Parnasse ? Quand il cherche à se définir lui-même, il se donne décidément comme un poète idyllique, comme un poète de l’Astrée :


Je veux faire des vers qui ne soient pas contraints,
Promener mon esprit par de petits desseins,
Chercher des lieux secrets où rien ne me déplaise,
Méditer à loisir, rêver tout à mon aise,
Employer toute une heure à me mirer dans l’eau,
Ouyr, comme en songeant, la course d’un ruisseau,
Écrire dans les bois, m’interrompre, me taire,
Composer un quatrain sans songer à le faire.


Au fond, il a raison, et le poète idyllique, rêveur, mélancolique, est, de tous les différens personnages qu’il fait, celui qui serait le plus près d’être lui-même, s’il avait proprement un moi. Mais, encore une fois, c’est un virtuose, et il n’y a guère autre chose à faire avec lui qu’à le suivre dans ses différentes métamorphoses et qu’à noter seulement celles qui, selon notre goût, lui réussissent le mieux.

Il fut poète dramatique avec Pyrame et Tisbé, qui est resté célèbre comme modèle de ridicule. Je n’insisterai ni sur la fable, qui est affreusement banale, ni sur les morceaux d’éloquence qui sont très vides, ni sur les pointes, dont les plus effrontées ont été citées trop souvent ; mais je relève le couplet de la jalousie, dont l’histoire est intéressante. Vous connaissez le couplet de la jalousie dans la Psyché de Corneille et Molière : « Je suis jaloux, Psyché, de toute la nature ; les rayons du soleil