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politiciens auxquels leur indifférence a pourtant laissé toujours le pouvoir[1].

L’institution de 451 atteste pourtant la préoccupation de parer à l’envahissement de la ville. Déjà plus d’un zeugite habitait Athènes ou le Pirée comme artisan ou boutiquier : des types comme celui du père de Sophocle se sont multipliés dans la période qui suivit les guerres médiques. Le père dont Socrate naquit vers 469 faisait des images de sainteté, et sa mère était sage-femme : lui-même a pratiqué d’abord le métier paternel, et il est arrivé à joindre à sa terre patrimoniale le petit capital qu’il confiait à Criton.

En 431, Athènes pouvait mettre en ligne plus de 25 000 hoplites, — mais en comptant ses clérouques.

Déjà dans la période précédente, les gouvernans d’Athènes s’étaient occupés de pourvoir à l’accumulation du prolétariat en envoyant au loin des colonies. Ces colonies portaient le nom spécial de clérouchies ; à la différence du colon des autres Etals grecs, le clérouque d’Athènes gardait son rang dans la cité.

La crise qui pesa sur la population rurale de l’Attique au lendemain même de l’invasion rendit plus nécessaire que jamais le recours aux clérouchies, en même temps que la force nouvelle d’Athènes en facilitait l’établissement. C’est surtout le gouvernement démocratique issu delà révolution de 462-1 qui, sous l’influence grandissante de Périclès, chercha à donner satisfaction au besoin de terres. Seulement, par une conséquence naturelle de l’extension qu’avait prise la classe des zeugites, on ne prit plus uniquement les colons parmi les thètes : la charte d’une de ces colonies, que nous avons conservée, l’atteste formellement, et sous une forme significative. Un décret avait réglé toutes les conditions de recrutement, et le mode d’envoi, de la colonie. Phantoclès y fait ajouter d’urgence un amendement spécial, portant que les colons seront pris « parmi les zeugites et parmi les thètes. »

Mais, que les colons fussent tirés au sort parmi les paysans les plus pauvres de l’Attique ou parmi les prolétaires, le but était toujours d’en faire des cultivateurs aisés. Les terres occupées, Lemnos et Imbros, la Chersonèse, Naxos, Andros, la Thrace,

  1. On peut consulter, sur cette démocratie rurale, le livre de M. Maurice Croiset, Aristophane et les partis, Fontemoing.