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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/575

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tous les détails qu’elles contenaient. Mais en fait, il s’assignait un rôle, qu’il remplissait jalousement : il veillait à ce que la mauvaise humeur de l’Empereur à l’égard de l’Eglise ne se relâchât ni ne s’adoucît. Il y veillait, avec je ne sais quoi d’agressif : dans une lettre officielle, il accusait un chambellan de l’Impératrice d’avoir naguère aidé pécuniairement l’agitation contre la loi scolaire ; et il ne cachait pas à Gontaut-Biron qu’il voulait ruiner l’influence d’Augusta, « très nuisible dans toutes les questions religieuses. » Que Falk et Roon s’occupassent de la Chambre qui d’ailleurs était déjà gagnée ; il s’occupait, lui, de l’Empereur. « Je le sens tout à fait solide, inébranlable, disait-il le 25 janvier au député national-libéral Unruh ; je lui ai d’ailleurs sacrifié le mariage civil. Il faut faire des concessions pour marcher de l’avant. » Auguste Reichensperger notait en février que Guillaume était de plus en plus soumis aux volontés de Bismarck. Sur l’heure, cela était vrai, et la lutte contre l’Eglise devenait d’autant plus chère au chancelier qu’elle lui donnait l’occasion de contre-balancer, dans les conseils de Guillaume, l’influence tolérante et pacificatrice de la noble Augusta. De tout son ascendant, il régnait sur son royal maître, afin que la plume royale, signataire de ces projets, demeurât alerte, confiante et docile, lorsqu’il s’agirait bientôt de signer les lois elles-mêmes.


VII

Un des projets fixait les formalités par lesquelles tout citoyen pouvait se dégager des liens de son Eglise : une déclaration de sortie, adressée au comité de la paroisse et faite en personne par l’intéressé devant les autorités judiciaires, l’affranchirait, dans un délai de six semaines, de toutes ses obligations pécuniaires à l’endroit de son ancienne paroisse. L’Etat voulait que les portes des Eglises s’ouvrissent bien largement, bien franchement, à ceux qui souhaitaient s’en évader.

Mais par ces portes ainsi ouvertes, il pénétrait à son tour, lui Etat. « La maison est à moi, » pensait-il, et tout devait s’arranger à sa façon. Trois projets, dont l’ambition était extraordinaire, imposaient un programme aux études cléricales ou pastorales, un statut aux nominations ecclésiastiques, et préposaient une juridiction nouvelle et laïque aux deux Églises