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chrétiennes. Les deux confessions étaient traitées de même, de peur que l’une, la catholique, ne se plaignît, si elle était seule visée, d’être opprimée par des lois d’exception. Une même règle prétendrait maîtriser deux Eglises, dont l’une, à travers l’histoire, ne cessa de vouloir être libre et dont l’autre, dès le temps de Luther, accepta d’être modelée par l’Etat : cette assimilation n’était qu’une abstraction de juriste, contre laquelle protestait tout le passé. Les auteurs de manuels consacraient des rubriques différentes au droit canon catholique et au droit canon évangélique ; l’Etat prussien voulait brouiller ces rubriques, comme il avait, sous Frédéric-Guillaume III, brouillant les opinions théologiques des calvinistes et des luthériens, construit une impérieuse et factice « Union. » L’Etat prussien allait dire comment il voulait, lui, que sur son territoire les Eglises chrétiennes fonctionnassent. Il allait, par impartialité, sous des dehors de tolérance, et par respect de l’égalité, les viser toutes les deux. Le lit de Procuste était égal, lui aussi, pour tous ceux que le bourreau légendaire y couchait ; et c’était justement pour cela qu’il était un lit de supplice.

Pour être prêtre ou pasteur, il faudrait désormais avoir subi un examen de sortie dans un gymnase allemand, avoir fait trois ans d’études théologiques, soit dans une université allemande de l’Etat, soit dans le « séminaire théologique » du diocèse, à la condition que l’État le considérât comme équivalant à une université, et avoir satisfait à un dernier examen. Durant les trois ans d’études universitaires, il serait interdit de faire partie d’un séminaire ecclésiastique. L’examen final, réglé par le ministre, porterait sur la philosophie, l’histoire et la littérature allemandes. Les petits séminaires, où l’on commençait de se préparer à la prêtrise, et les grands séminaires (Priesterseminare), où l’on passait quelques mois après les études universitaires, devraient soumettre au président supérieur de la province leurs programmes et leurs règlemens. Les professeurs des petits séminaires et des « séminaires théologiques » devraient posséder les mêmes grades que ceux des gymnases et des universités, et leur nomination par l’évêque pourrait être frappée d’opposition par le président supérieur.

Ainsi, d’après ce projet, l’Etat déterminait souverainement dans quelles conditions devait se faire l’éducation des prêtres, par quels professeurs ou directeurs elle devait être assurée, et