Et n’est-ce pas Renan qui célèbre les « Darwins inconnus » qui rédigèrent jadis les premiers versets de la Genèse ? Le beau récit de M. Besnard ne fait que doubler pas à pas le vieux récit sacré : ce continuel sous-entendu est même ce qui confère à l’œuvre sa portée. Où le parallèle cesse, le sens finit. La suite devient flottante et d’une interprétation tout à fait incertaine.
Les deux autres œuvres « scientifiques » de M. Besnard sont le plafond circulaire du « Salon des Sciences » à l’Hôtel de Ville de Paris, et le vaste éventail qui orne à la Sorbonne l’amphithéâtre de Chimie. En dehors de celles de Puvis, on ne trouverait pas dans ces capharnaüms de l’art contemporain, d’œuvres au-dessus de ces deux-là. La supériorité du virtuose, la splendeur de sa rhétorique, la faculté qu’il a toujours, même quand il n’émeut pas, de s’émouvoir lui-même, par conséquent de rester sonore, chaleureux, magnifique, l’espèce de génie oratoire qui est celui du grand décorateur, sont des dons assez rares, quand on les porte à ce degré, pour faire l’intérêt d’une œuvre pittoresque.
Après cela, ces deux peintures sont de valeur inégale. La première, le plafond des Sciences à l’Hôtel de Ville, est un morceau de toute rareté et un enchantement. C’est l’éternel symbole de la Vérité fugitive poursuivie par l’humanité. Sur ce thème assez peu nouveau, on l’avouera, l’artiste a composé une œuvre saisissante, un des plus étonnans « nocturnes » de la peinture. Qu’on se figure, sur le disque déterminé par la lentille d’un télescope, une apparition de l’infini et des rotations de mondes dans l’azur. On dirait un lambeau découpé dans la Voie lactée, dans une de ces nébuleuses pareilles à un sang céleste, torrens divins dont chaque goutte est un soleil. La nuit se peuple d’énormes tournoiemens de roues, du spectre mystérieux des sphères. On discerne à leurs flancs, en linéamens pâles, le contour de leurs Océans, leurs cratères, leurs vertèbres. Et tout cela rayonne d’une lueur étrange et comme d’un flamboiement obscur, tandis que, lancée à travers ce paysage astral, riante, nue, échevelée, entraînant à sa suite dans une course de comète le vol des Sciences curieuses et suscitant à son aurore la