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poids des contingences, — l’atmosphère même ou l’Olympe des idées générales.

Je serai bref sur les deux œuvres, déjà glorieuses, où M. Besnard a résumé vingt-cinq ans de labeur, et eu la force d’inaugurer une nouvelle « manière. » Cette puissance de renouvellement, passé la cinquantaine, est le signe des maîtres. Grande fut l’émotion, lorsqu’il y a cinq ans parut au Salon le premier fragment du plafond de la Comédie-Française. Pour les uns, qui connaissaient peu M. Besnard comme décorateur, son talent se découvrait sous un jour imprévu ; ceux qui le connaissaient furent les plus surpris. C’était le vieux mythe d’Apollon sur le char du Soleil. Oser, au XXe siècle, cette résurrection, trouver un à-propos à cette fable décrépite, la chose tenait de la gageure ; et cependant c’était si fier et si splendide, le petit dieu nageait, pâli, dans tant d’incandescences, que toute critique se tut devant une telle ardeur. Jamais l’auteur n’avait dépensé plus d’éclat et de feu. Le quadrige céleste, la lyre, la ronde des Heures, toutes ces métaphores qu’on eût regardées la veille comme des façons arriérées, falotes et à peine honorables de traduire la nature, recouvraient subitement, par la grâce d’un grand artiste, leur vie originale et leur beauté native. On salua avec joie le retour du Musagète. Cependant, dans l’esquisse d’ensemble exposée à côté de ce morceau imposant, on admirait le pouvoir que possède l’auteur d’associer des images et de marier les symboles. C’était une chose exquise que le vol des Neuf Sœurs glissant sur un long nuage en forme de patin et agitant en chœur des chants et des couronnes, tandis qu’au pied de l’Arbre de Science la faute du premier couple comprenait en puissance, avec sa face risible et sa face tragique, toute la comédie humaine. Pour la beauté de l’arabesque et de l’arrangement, pour la maîtrise consommée de la langue de l’espace, pour le balancement des figures et des vides dans une si vaste sphère, je doute qu’il y ait mieux dans l’école française ; je ne crois pas qu’en moins de mots on ait dit plus de choses, et plus élégamment uni en termes plastiques hellénisme et christianisme, la double tradition artistique et morale dont nous vivons encore.

La même poétique et le même idéal se retrouvent, avec des développemens nouveaux, aux quatre pendentifs de la coupole du Petit Palais. On s’est mis, au début, fort en peine d’exégèse au sujet des deux toiles qui parurent les premières. On aurait