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longues années les évêques récemment nommés prêtaient au Roi ; on y ajoutait en deux passages l’engagement d’observer en conscience les lois de l’Etat ; on supprimait le membre de phrase où il était question de l’autre serment prêté par l’évêque au Pape ; et le 7 octobre 1873, Reinkens, à Berlin, dans une salle du ministère des Cultes, jura d’après cette formule nouvelle. Mais ensuite on décréta que les futurs évêques catholiques romains seraient astreints au même serment que Reinkens avait prêté : l’État prussien, après avoir réglé les droits de l’évêque vieux-catholique sur les droits mêmes dont jouissait l’épiscopat catholique romain, semblait ainsi modeler les obligations de l’épiscopat catholique romain sur celles qu’acceptait l’évêque vieux-catholique. Lorsque bientôt, de Berlin, on pressentit deux des prêtres que proposait, pour le siège de Fulda, le chapitre de cette ville, lorsqu’on leur demanda s’ils consentiraient, une fois évêques, à prêter le serment ainsi modifié, leurs deux réponses furent négatives ; les sièges épiscopaux que la mort ferait vacans étaient destinés à demeurer vides pour longtemps. Les contradictions réciproques qui accentuaient ainsi l’opposition entre le Pape et l’Empereur se dessinaient donc comme des contradictions d’ordre théologique : il n’en est pas de plus graves, ni de plus insolubles. Vous appartenez en quelque mesure à mon troupeau, avait écrit Pie IX à Guillaume, et Guillaume, au nom de la théologie évangélique, avait répondu non. Vous êtes évêque catholique, disait Guillaume à Reinkens, et la théologie catholique disait : non.

Bismarck, à l’heure par lui choisie, publia les lettres échangées entre Pie IX et Guillaume, afin d’étaler leur antagonisme sous les yeux de l’Allemagne entière. Ce fut le 14 octobre, au milieu de la campagne électorale qui devait aboutir à la nomination d’un nouveau Landtag, que Bismarck jeta cette pâture à l’opinion allemande. Il s’agissait de brouiller avec les catholiques les protestans conservateurs : on se servirait à cette fin de la lettre dans laquelle Pie IX semblait englober dans sa juridiction les luthériens eux-mêmes. Il s’agissait de brouiller avec le Centre les catholiques patriotes : on jouerait à cet effet de la lettre de Guillaume. La presse fut savamment conduite ; plusieurs jours durant, elle ne s’occupa que de ces deux documens. On vit des sous-préfets, celui d’Aix-la-Chapelle par exemple, déclarer officiellement que la publication des deux