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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/205

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lorsqu’on vient à discuter du principe de l’égalité des races ou des amendemens à la Constitution relatifs aux droits des nègres ? Tout cela a son origine dans les actes de foi des quakers du XVIIe siècle.

Le comte de Ségur démêla tout d’abord avec clairvoyance ce caractère si particulier du peuple que l’on considère aujourd’hui comme le plus pratique du monde, et qui, cependant, avant d’aborder les affaires et de créer des maisons de commerce, bâtit des églises ; qui érigea des clochers avant les cheminées d’usine ; qui se préoccupa de ses rapports avec l’humanité avant de régler son attitude vis-à-vis de ses futurs cliens ; qui se forgea un idéal de vie morale avant de donner de l’attention aux conditions de son existence matérielle. Lorsque, plus tard, sur la fin de son séjour, le comte de Ségur eut l’occasion de voir de près la vie de Boston, il s’avisa qu’il avait pu passer d’un centre politique à un foyer de vie intellectuelle, sans quitter le terrain des préoccupations spirituelles. L’idéalisme de Penn avait triomphé des obstacles en feignant de les ignorer. Il avait été un acte de foi dans la bonté des hommes. Il s’est révélé le parrain de cet esprit d’optimisme, si typiquement américain qui, aujourd’hui comme hier, continue de se manifester sous les dispositions les plus pratiques. Au contraire, dans leur passion d’indépendance, dans leur volonté d’exister seuls et de tout faire par eux-mêmes, les puritains de la Nouvelle-Angleterre forgeaient cette puissance de l’individualisme qui est le second trait en grand relief du caractère américain. Ils donnaient le spectacle de croyans qui avaient fui la persécution religieuse et qui, à peine y avaient-ils échappé, persécutaient à leur tour, sans merci, quiconque ne se formait pas d’un Dieu impitoyable et vengeur la conception où ils se complaisaient. Leur orgueil prétendait rester en tête à tête avec cette divinité redoutable et, dans ses rapports avec elle, repoussait tout intermédiaire humain. Les fondateurs de cette « colonie de conscience » se mariaient sans prêtres ; ils enterraient leurs morts sans une prière. Si hardis vis-à-vis des choses éternelles, ils se manifestaient, dans les relations temporelles, avec cette arrogante confiance en soi et en soi seul, qu’on a appelée le « self reliance. » Sans doute ils correspondaient plus exactement que les quakers aux nécessités d’une organisation où les chances illimitées de l’activité, offertes à l’individu, allaient faire reculer au second plan