l’importance des idées politiques et familiales. Ces deux tendances se complétaient d’ailleurs sans se combattre : elles étaient différentes, sans être opposées : elles associaient le puritain avec le quaker pour les fins d’une œuvre commune.
Ce n’est pas à dire que cette collaboration ne trahît pas, chemin faisant, des divergences de sentiment qui se précisaient dans des actes contradictoires. Franklin, le quaker tolérant par excellence, pouvait se lever dans une assemblée des patriotes de Pennsylvanie, et répondre au Comité de Salut public, qui proposait d’interdire au clergé de mêler désormais le nom du Roi aux prières officielles : « À quoi bon cette défense ? Voilà vingt ans que, constamment, le clergé prie Dieu d’accorder la sagesse au Roi et à son conseil. Nous savons tous quel a été le succès de cette prière ! Il est trop évident que ces messieurs n’ont aucun crédit à la cour du ciel. » L’auditoire riait et l’on ajournait la motion. Or, pendant ce temps-là, les puritains de la Nouvelle-Angleterre brûlaient comme sorcières des chrétiennes qui prétendaient honorer Dieu par les œuvres plutôt que par la prière. Ils marquaient de la lettre infamante, de l’« h » au fer rouge, quiconque était soupçonné d’hérésie ; ils dressaient des potences pour les quakers. Toutefois on se retrouvait d’accord le jour où un messager apportait la nouvelle de la défaite de Cornwallis. Ce jour-là, le Congrès se réunissait d’urgence et il votait à l’unanimité la résolution suivante : « Le Congrès ira aujourd’hui processionnellement à l’église ; il rendra grâce au Dieu tout-puissant, qui a couronné de succès les armées alliées des États-Unis et de la France par la reddition de toutes les troupes britanniques sous le commandement de Cornwallis. » Dans le même sentiment, on continuait de réserver aux ministres du culte la place d’honneur dans les banquets officiels ; on les chargeait de bénir les repas ; mais là s’arrêtaient les prérogatives du clergé. Dès la première heure, le Congrès avait exclu tous les ecclésiastiques, sans exception, des assemblées politiques et civiles. Ainsi, la religion n’était pas un fait de gouvernement. On la reléguait dans le cœur de chacun.
On devine que l’idéalisme des quakers était plus fait que l’intransigeance des puritains pour séduire le comte de Ségur. Il juge en ces termes l’état d’âme qu’il avait trouvé régnant à Philadelphie : « Toute la ville, dit-il, est un noble temple élevé