contredire ses propres opinions, dès qu’il les rencontrait sous la plume d’autrui, donnait souvent à son scepticisme[1]
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Aux recherches stériles ils [Locke et Bacon] avaient prétendu substituer des recherches utiles, aux spéculations oiseuses des expériences précises, aux méditations des philosophes sur l’origine du monde ou l’essence de l’Être, des leçons sur et pour le meilleur emploi de l’humaine activité ou, en d’autres termes encore, des mêmes opinions qui passaient en France, non seulement pour fausses, mais pour dangereuses à l’ordre social, et qui comme telles déconsidéraient les beaux esprits qui les affichaient, ces graves personnages et ces hommes politiques avaient su tirer des conséquences dont la prospérité de l’Angleterre attestait l’heureuse application. Incapables de vivre tranquilles, et beaucoup moins encore, à la manière française, de gambader parmi les ruines, ils avaient rétabli, non loin de celui même qu’ils avaient renversé, un nouvel édifice, plus solide, croyaient-ils, plus simple en tout cas, d’un usage plus commode et plus confortable que l’ancien.
C’est ce que Voltaire admira d’eux, et on en trouve la preuve dans ses Lettres anglaises, mais surtout dans ses Remarques sur les Pensées de M. Pascal, rédigées à Londres, en 1728, et qui faisaient partie des premières éditions des Lettres anglaises. En s’attaquant à l’auteur des Pensées, il savait bien où il visait, et ses Remarques, à les bien entendre, ne sont pas aussi puériles qu’on l’a quelquefois voulu dire. Très peu porté qu’il est à la métaphysique, les Anglais l’encouragent à croire qu’il n’y a pas de mystère dans le monde, et s’il n’y en a pas, que toute la cause de notre misère est justement d’y en vouloir mettre. Il n’y a rien au-delà des faits, et la nature n’est que l’ensemble des lois qui la constituent : mais s’il y avait quelque chose de plus, nous sommes assurés de ne le pouvoir pas connaître ; et il faut donc
- ↑ Il y a ici une lacune dans le manuscrit comme dans les placards. Un feuillet au moins (une dizaine de lignes d’impression) manque et manquait déjà lorsque Brunetière a envoyé son manuscrit à l’impression. Le feuillet 60 se termine par ces mots : donnait souvent à son scepti… ; le feuillet 61 (la pagination est pourtant de la main de Brunetière) commence par ces mots : fondemens de la puérilité des superstitions populaires, de la vanité de la métaphysique, et, si je puis ainsi dire, de la positivité du fait, c’était bien, eux, un nouveau dogme et sinon précisément une religion nouvelle, à tout le moins une nouvelle conception de la vie que Locke ou Bacon s’étaient proposé d’établir. Aux recherches stériles ils avaient… Etc. — [J. B.].