d’avril. « Enfin je suis votre voisin, — écrivait-il à Thiériot, son ami et son factotum, dans un billet sans date ; — si vous pouvez sortir ce matin, je vous prie de venir dans la rue Traversiez, vis-à-vis un vitrier : c’est vers les dernières maisons à gauche, du côté de la fontaine, l’une des plus vilaines portes. La maison est à un conseiller clerc nommé M. de Magenville, homme qui ne se soucie pas des dehors, apparemment. Si vous voulez, nous causerons. Je vous embrasse. J’ai quelque chose à vous dire. »
Son premier soin, aussitôt son retour, fut d’arranger sa fortune, et, pour cela, de rentrer d’abord dans les trois ou quatre pensions qu’il touchait de la cour et de la maison d’Orléans. Même, il émit à ce propos la prétention qu’on lui en payât les arrérages pour ses trois ans d’exil ; et, au XVIIIe siècle, le gouvernement, en même temps qu’autoritaire, était si « paternel » que peut-être fut-il fait droit à cette hardie réclamation. C’est sans doute avec cette somme, jointe à celle qu’avait produite, en Angleterre, l’année précédente, une édition par souscription de la Henriade, que, recommençant à spéculer, Voltaire prit sa part de plusieurs entreprises, notamment d’une loterie qu’on venait de créer pour le remboursement des rentes sur l’Hôtel de Ville, et de je ne sais quelle affaire par actions, très avantageuse, à ce qu’il paraît, qu’on montait alors en Lorraine. Pour souscrire à cette dernière, sur laquelle nous n’avons de renseignemens que les siens, mais dont nous savons qu’il ne put profiter qu’en se faisant passer pour un autre, car le duc en avait voulu réserver le bénéfice à ses seuls sujets, Voltaire fit tout exprès le voyage de Paris à Nancy, puis, de là, se rendit à Plombières, où il prit les eaux. Car, étant né, comme il aimait à le dire lui-même, chétif et souffreteux, « de parens malsains, et morts jeunes, » on sait les soins constans, réguliers et méticuleux qu’il prenait de sa santé.
Il se remit alors au travail. Il rapportait de Londres, un Brutus, qu’il croyait dans le goût de Shakspeare, quelques-unes de ses Lettres anglaises et une première rédaction de son Histoire de Charles XII. La tragédie, reçue, puis retirée, refaite ou