remaniée, sans en devenir beaucoup meilleure, né fut mise à la scène que vers la fin de l’année 1730 ; elle parut imprimée l’année suivante, avec un curieux Discours sur la Tragédie, dédié à mylord Bolingbroke. Pour l’Histoire de Charles XII, régulièrement munie de l’approbation nécessaire, la première partie en était achevée d’imprimer, quand, sous le prétexte assez inattendu qu’elle contenait des vérités offensantes au roi de Pologne, — Auguste III, électeur de Saxe, et non pas Stanislas Leczinski ; on pourrait s’y tromper, — l’ordre fut donné d’en saisir les exemplaires. Mais cet accident ne devait pas beaucoup retarder la composition du livre ; il paraissait, au mois de novembre 1731, à Rouen, au lieu de Paris, sous la rubrique de Bâle ; et bien que l’on en eût défendu l’impression, il ne laissait pas tout de même de circuler assez librement. C’était là, sous l’Ancien Régime, une de ces inconséquences familières au pouvoir, et dont Voltaire, qui en savait bien les raisons, allait donner l’exemple d’abuser. Pour ne pas nuire à la prospérité du commerce de la librairie, on laissait faire et on laissait passer, si seulement l’imprimeur consentait à se déguiser et l’auteur à ne se point vanter trop ouvertement du succès de son livre. Dix ans auparavant, c’était du moins ainsi que les Lettres persanes avaient paru, sans nom d’auteur, sous la rubrique de Cologne, et qu’elles venaient tout récemment encore de mener leur auteur à l’Académie française, avant que ni lui ni le libraire eussent eu l’audace de les avouer. Les Lettres anglaises, moins hardies cependant, à beaucoup d’égards, que les Lettres persanes, et d’une moindre portée, ne devaient pas avoir, elles, la même fortune, ni valoir à leur auteur la même distinction.
C’est qu’aussi bien, il y avait en Voltaire une spontanéité de premier mouvement, dont son ambition de réussir ne devait jamais se rendre tout à fait maîtresse ; à force de souplesse, il manquait de tenue ; et, probablement parce qu’il excellait à s’en tirer, non content de tant d’autres obstacles, il n’excellait guère moins à s’en susciter tous les jours de nouveaux à lui-même. Son naturel était le plus fort. Avec une habileté singulière, et souvent peu honnête, avec un art savant de donner le change aux plus habiles sur ses vraies intentions, il disposait industrieusement toute sorte de combinaisons où il n’avait oublié que de compter avec sa mobilité, son instabilité, la soudaineté de