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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/392

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lendemain, Houssaye dit à Rachel : « Je vous ai envoyé hier deux hommes libres, et vous m’avez renvoyé deux esclaves. »

On s’occupe d’elle à la Cour : le prince de Canino trouve plaisant de faire promener Rachel dans un équipage à quatre chevaux avec livrée impériale, si bien que le public la prit pour l’impératrice, et qu’elle défila sous l’Arc de Triomphe. Là-dessus, arrêté de Fould, en vertu duquel le grand maréchal du Palais est seul autorisé à se servir de la livrée impériale ; l’arrêté reçoit aussitôt un sobriquet : l’arrêté Rachel, et celle-ci de remarquer, du moins lui prête-t-on cette impertinence : « C’est fort désagréable d’être confondue avec l’impératrice. »

Toutefois, cette grande réputation rencontra quelques hérétiques ou demi-sceptiques. Ainsi la duchesse de Dino écrit, le 20 octobre 1838 : « J’ai été hier avec Pauline, à la Comédie-Française, pour entendre Mlle Rachel, qui fait tant de bruit en ce moment. Je n’ai pas du tout été enchantée : ils jouent tous très mal, Mlle Rachel moins mal que les autres, voilà tout. On donnait Andromaque, elle jouait le rôle d’Hermione ; l’ironie, le dépit et le dédain ! Elle s’en est tirée avec justesse et intelligence, mais elle n’a point de tendresse, point d’entraînement ; le son de voix est grêle, elle n’est ni laide, ni belle, elle est fort jeune, et pourrait devenir très bonne, si elle avait de bons modèles. Le reste est trop pitoyable ! Je me suis ennuyée, et suis rentrée fort engourdie… »

Le romantique Auguste Vacquerie la fustige assez durement, notre héroïne : « Mlle Rachel ne joue pas les drames discutés ; elle joue les tragédies consacrées. Elle n’est pas la vaillante prêtresse des églises militantes, elle est l’alliée prudente des batailles gagnées ; elle aide ceux qui ont réussi, elle est très utile à ceux qui n’ont plus besoin d’elle, elle s’offre héroïquement à tous les triomphes, elle se hasarde, après deux cents ans, à nous faire connaître le Cid, qu’elle n’aurait pas joué du vivant de Corneille. » Mais, pour quelques verges et brocards, que de complimens, d’adulations, d’apothéoses ! Lamartine lui écrit, en avril 1847, après l’avoir entendue dans Athalie : « Nous sommes allés, Mme de Lamartine et moi, vous exprimer notre admiration toute chaude encore de la soirée de la veille, et vous remercier de cette occasion de plus que vous avez bien voulu nous procurer d’applaudir au génie de la poésie, sous la plus sublime et la