plus touchante incarnation. Je retourne encore ce matin à votre porte, mais, dans la crainte de n’être pas reçu, je prends la liberté de vous y laisser un billet de visite en huit énormes volumes (l’Histoire des Girondins). C’est la tragédie moderne qui se présente, humblement, en mauvaise prose, à la tragédie antique. Elle deviendra drame et poème à son tour, et, à ce titre, elle vous appartient de droit, car le drame est l’histoire populaire des nations, et le théâtre est la tribune du cœur… » Musset fut un de ceux que Rachel aima le plus et le mieux ; il composa pour elle ces stances, et ne les lui envoya point, on ne sait pourquoi :
Si ta bouche ne doit rien dire
De ces vers désormais sans prix,
Si je n’ai, pour être compris,
Ni tes larmes ni ton sourire ;
Si dans ta voix, si dans tes traits
Ne vit plus le feu qui m’anime
Si le noble cœur de Monime,
Ne doit plus savoir mes secrets ;
Si ta triste lettre est signée,
Si les gardiens d’un vieux tombeau
Laissent leur prêtresse indignée
Sortir, emportant son flambeau ;
Cette langue de ma pensée,
Que tu connais, que tu soutiens,
Ne sera jamais prononcée
Par d’autres accens que les tiens.
Périssent plutôt ma mémoire
Et mon beau rêve ambitieux !
Mon génie était dans ta gloire,
Mon courage était dans tes yeux.
Un poète exquis, M. Stéphen Liégeard, ma dit souvent qu’il devait à Rachel ses plus grandes émotions dramatiques : d’autres excellens juges nomment, avec Rachel, Frederick Lemaître, Dorval. Berryer, Guizot, Gambetta, Emile Ollivier, et ce sont tous d’admirables musiciens de la parole. Que des hommes de goût et de talent aient pu mettre des comédiens en parallèle avec les orateurs les plus célèbres, ressentir par les uns et les autres des impressions égales, cela seul suffirait à assurer la gloire des interprètes, puisque, tout au moins