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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/484

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permanens susceptibles d’éviter les conflits, et, si néanmoins des différends viennent à éclater, d’instituer un arbitrage pour les régler. » Le gouvernement se déclare « partisan convaincu de ces moyens préventifs » et prépare des projets de loi pour les organiser. Cela fera grand plaisir à M. Millerand : quant à nous, nous trouvons la plupart de ces moyens dangereux, et n’admirons que faiblement la loi du 22 juillet 1909 rappelée par la Déclaration, loi qui a organisé l’arbitrage pour la solution des difficultés d’ordre collectif entre les compagnies de transport maritime et leurs équipages. Mais il faut tout prévoir, et la Déclaration prévoit le cas où « les moyens préventifs les plus ingénieusement combinés peuvent demeurer inefficaces. » Il est probable que M. Millerand n’a pas voulu prévoir aussi loin, sinon sa sortie du ministère ne s’expliquerait pas ; il a cru sans doute que ses moyens, à lui, étaient assez ingénieusement combinés pour suffire à tout. La Déclaration ne partage pas plus que nous cet optimisme, et constatant que la législation actuelle est insuffisante pour parer aux dangers qu’elle aperçoit, elle annonce l’intention de la compléter « en édictant, en cas de défection des ouvriers et des employés, les dispositions nécessaires pour assurer, malgré tout, la marche des services. » Mais les ouvriers qui auront fait tout ce qui dépendra d’eux pour arrêter cette marche, quelle responsabilité encourront-ils ? La Déclaration est muette sur ce point, et cela aussi est une lacune. On leur donnera un statut personnel, comme on en promet un aux fonctionnaires ; on leur donnera des droits et des garanties de ces droits et on fera bien ; « ils trouveront leur protection tant dans les lois générales qui seront élaborées pour tous les travailleurs que dans des lois spéciales. » Tout cela est parfait, mais à tous ces droits quels devoirs correspondront-ils, et si les ouvriers manquent à ces devoirs, qu’arrivera-t-il ? On pourvoira à la marche des services, nous sommes heureux de l’apprendre ; mais il faudrait quelque chose de plus pour satisfaire la conscience publique, et la Déclaration n’en dit rien.

Nous espérions qu’en répondant à ses nombreux interpellateurs, M. le président du Conseil compléterait les indications parfois un peu vagues de la Déclaration ; il ne l’a fait que partiellement et s’est contenté de dire que des problèmes aussi vastes et aussi complexes avaient besoin d’être étudiés de très près, ce qui ne saurait être contesté ; mais on avait cru qu’ils avaient effectivement été étudiés et que les solutions étaient proches. Elles le sont sans doute ; M. Briand n’aurait pas posé devant le pays ces questions angoissantes s’il n’était pas prêt aies résoudre, et on comprend qu’il ait mieux aimé déposer