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des projets de loi qui seront la meilleure interprétation de sa pensée, que de développer cette pensée à la tribune devant une assemblée que tant d’émotions avaient profondément agitée. Il s’est contenté de répéter à diverses reprises et avec force : — Si vous êtes d’avis que les services publics indispensables à la vie du pays peuvent être interrompus par une grève, dites-le, et je m’en vais. — La majorité restée de sang-froid ne pouvait faire qu’une réponse et elle l’a faite. M. le président du Conseil a eu beau défendre M. Lafferre, parler de la laïcité comme aurait pu en parler M. Combes, prendre à l’égard de la Droite un ton agressif, qui n’était certainement plus celui de l’apaisement, il était impossible, et il le savait bien, de le sacrifiera M. Jaurès, à M. Vaillant, à M. Pelletan même, et de donner aux socialistes unifiés la joie enivrante et la force redoutable d’un triomphe sans égal. M. Paul Beauregard, parlant au nom des progressistes, a dit spirituel-ment qu’il fallait sans doute a un peu de philosophie » pour se résigner à M. Lafferre, tout en continuant de « condamner, d’exécrer, de mépriser au fond du cœur les fiches et la délation. » « L’histoire, a-t-il ajouté, nous montre qu’à toute époque les partis à politique excessive fournissent un beau jour les hommes indispensables pour enrayer le mouvement qui mènerait le pays à la ruine. » Il est sage, en effet, de prendre les hommes tels qu’ils se présentent au moment où on en a besoin. On ne saurait d’ailleurs oublier sans injustice le grand service que M. Briand a rendu à la cause de l’ordre. Aussi la Chambre lui a-t-elle donné 87 voix de majorité. Mais elle lui en avait donné le double avant le nouveau ministère, et nous ne pouvons penser sans quelque regret que, s’il l’avait voulu, M. Briand aurait pu les garder.

Nous ne dirons qu’un mot de l’entrevue de l’empereur de Russie et de l’empereur d’Allemagne à Potsdam : peut-être n’en mérite-t-elle pas davantage, quoiqu’elle ait fait couler beaucoup d’encre. Les entrevues de ce genre sont assez fréquentes ; lorsqu’elles ont lieu, tout le monde en parle pendant quelques jours et on cherche avidement à en pénétrer le secret ; si on y parvient mal, c’est que le plus souvent ce secret n’existe pas. Le temps passe et on s’aperçoit que rien n’est changé dans le monde ; alors on n’y pense plus. Cela ne veut pas dire que ces entrevues n’aient aucune importance. Elles mettent en présence deux souverains qui ont de l’amitié l’un pour l’autre, et si quelque nuage léger s’est formé entre eux, elles peuvent contribuer à le dissiper ; mais la politique permanente des grands États se forme