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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/492

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III

Il restait à prendre un parti vis-à-vis du Corps législatif même. Qu’en ferions-nous pendant les hostilités ? Les révolutionnaires, sachant qu’en tout temps, une déclaration de permanence équivaut à une déchéance du pouvoir exécutif et à la dictature du parlement, la demandaient. Une fraction de la Droite, celle que représentait Dréolle, aveuglée par sa haine du ministère, se joignit aux révolutionnaires, et commit la mauvaise action de seconder cette première tentative de subversion constitutionnelle. D’autres adversaires, les sournois, les compétiteurs ministériels évincés ou impatiens, traînant à leur remorque quelques collègues éminens trop préoccupés des périls de la liberté, proposèrent que le Corps législatif fût ajourné sans jour fixe et non prorogé. La différence était essentielle : une Chambre prorogée ne peut être réunie de nouveau que par un décret de l’Empereur, tandis qu’une convocation du président suffit pour rassembler une Chambre ajournée ; le gouvernement est alors à la merci d’un président que l’amour de la popularité, l’intérêt personnel, ou simplement une appréciation erronée des choses, peuvent entraîner à une convocation précipitée. L’ajournement n’est en réalité qu’une permanence en expectative : nous ne voulûmes pas plus de celle-là que de la permanence immédiate. La Convention, lorsque la guerre avait éclaté, avait abdiqué entre les mains d’un Comité de Salut public ; en 1859, le plus libéral des ministres du siècle, Cavour, demanda des pleins pouvoirs et renvoya le parlement ; en 1866, Bismarck ne laissa pas derrière lui la Chambre réunie tandis qu’il s’avançait en Bohême, et, en ce moment même, il était décidé à ne pas la garder pendant qu’il marcherait vers la Sarre. Le gouvernement d’un pays déchiré par des factions acharnées, qui s’engage dans une lutte pour l’existence nationale, est compromis irrémédiablement s’il ne se débarrasse des ergoteurs parlementaires. La présence d’une assemblée ne lui donne aucune force ; elle ne sert qu’à créer les inquiétudes, la méfiance, le désordre et à instruire l’ennemi des dispositions de chacun, à préparer les défaites ou à les convertir en désastres. Comment, d’ailleurs, des ministres occupés à déjouer des intrigues, à se débattre contre des interrogations saugrenues ou perfides,