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Les travaux scientifiques de Voltaire, — travaux de vulgarisation, comme ses Elémens de la philosophie de Newton, ou travaux originaux, comme l’Essai sur la nature du feu, ou le Mémoire sur la mesure des forces motrices, — ne sont pas, dit-on, sans valeur. Les Élémens de la philosophie de Newton, faciles et même, par endroits, amusans à lire, ont achevé de ruiner la physique cartésienne, telle du moins que Fontenelle, un demi-siècle auparavant, l’avait si galamment exposée dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes. Quant à l’Essai sur la nature du feu, je ne sais s’il ne serait pas un peu aventureux d’y vouloir voir, comme on l’a fait, des pressentimens de la théorie mécanique de la chaleur, quoique d’ailleurs on y trouve des expériences adroitement conduites, quelques faits nouveaux, et des vues ingénieuses. Mais bien plus qu’à la science, et il importe ici de l’observer, c’est surtout à Voltaire que ses études scientifiques profitèrent. On ne dira point qu’elles l’unirent plus étroitement à son Emilie, ce serait une mauvaise plaisanterie, ni même qu’elles lui donnèrent des habitudes d’esprit qui ne fussent pas déjà les siennes. L’usage de la physique et de la géométrie n’a pas plus donné à Diderot, par exemple, la précision, la simplicité, le parfait naturel de Voltaire qu’à leur ami d’Alembert l’agrément ou la clarté du maître. Mais elles furent un titre pour lui quelques années plus tard à exercer sur les encyclopédistes une espèce d’autorité qu’assurément ces Baconiens n’eussent jamais reconnue à l’auteur de Zaïre ou de l’Histoire de Charles XII, s’il n’eût été l’auteur aussi du Mémoire sur la mesure des forces motrices.

Non seulement les travaux scientifiques de Voltaire étendirent dans l’Europe littéraire et savante sa réputation d’universalité, mais encore, auprès de la génération nouvelle, ils furent comme le signe ou la preuve de sa compétence à intervenir dans la discussion des idées du siècle. Chez cet homme en qui ses admirateurs n’avaient vu qu’un modèle, on vit un « maître, » et ce n’est pas tout à fait la même chose. Ou encore, du rang de « bel esprit » ses travaux scientifiques le promurent au rang de « philosophe, » et l’on sait, et nous dirons bientôt ce qu’allait devenir dans la seconde moitié du XVIIIe siècle la dignité, l’éclat et le prestige de ce nom.

En attendant, l’occasion lui parut favorable d’essayer d’entrer à l’Académie des sciences. Le vieux Fontenelle, il avait