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avait entre elle et lui des moyens de communication réelle, quelque chose comme un langage. Mais, s’il ne veut pas que la science soit un froid catalogue, il limite, autant qu’il le peut, la portée de l’interprétation, car il craint de s’égarer ; et, souvent, son esprit difficile le conduit au doute, savoir : « À mesure que j’observe et que j’expérimente, je sens, dernière étape du mieux, se dresser, dans la noire nuée du possible, un énorme point d’interrogation. » C’est que lui seul connaît le nombre des problèmes qu’il n’a pas résolus.

Observer sur l’animal vivant, tel est le résumé de la méthode scientifique des Souvenirs. Simple bon sens, dira-t-on, et pourtant cela est peu habituel. Si on tient pour nécessaire de définir la matière brute par ses propriétés chimiques et physiques, et non pas seulement par les dernières, c’est qu’il est important de connaître les actes de son activité propre. Combien alors il est curieux de constater que le plus souvent on oublie de tenir compte des actes, quand il s’agit de décrire la vie ? Sans doute, il y a dans l’être vivant, des phénomènes physiques et chimiques. Ceux-ci sont donc du domaine de la biologie ; mais la psychologie de la bête n’est pas moins réelle ; et il est par suite nécessaire de l’étudier. M. Fabre, cependant, nous paraît aller plus loin ; car il estime que les manifestations physico-chimiques et mécaniques de la vie sont subordonnées à l’activité spéciale qui la caractérise et qu’elles ne peuvent trouver leur explication complète que dans la connaissance de cette activité.

II

Voici maintenant quelques faits typiques. Il y a, chez les insectes, beaucoup de physiciens et de géomètres : commençons par eux. M. Fabre a découvert, après des années de recherches, le nid du scarabée sacré et voici ce qu’il a vu. Lorsque le scarabée doit songer à sa progéniture, il enfouit sous terre la boulette de bouse qu’il leur destine. Là, dans l’obscurité, il la façonne en forme de poire et il place l’œuf à l’extrémité amincie, près du bout, dans une petite cavité, à dessein mal fermée. L’élégant ouvrage surprend par l’harmonie de ses lignes et par ses dimensions ; mais il est étonnant surtout par son admirable adaptation aux conditions qui lui sont faites. Pour être utilisables au moment voulu, les vivres doivent, en