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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/900

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pas de feuilles, mais travaille le fruit du prunellier. Avec même outillage il se fait perforateur de coffrets. Le petit paon aime le milieu du jour ; au grand paon, si voisin, il faut les ténèbres ; et ainsi tel est doué, tel autre ne l’est pas, malgré la parité organique. La mante et l’empuse ont des formes à très peu près pareilles. Or l’empuse est très sobre et ne connaît ni les festins de cannibale, ni les tragiques amours de la mante. Et si on propose d’expliquer les différences de leurs mœurs par celles de leurs régimes, M. Fabre demande d’où viennent à l’une la boulimie, à l’autre la sobriété, alors que les organisations presque identiques sembleraient devoir amener mêmes besoins.

Des quelques exemples qui viennent d’être rapportés il résulte que les aptitudes ne sont pas sous la dépendance exclusive de l’anatomie, que l’instinct n’a pas besoin d’un outillage spécial. La vérité est autre. Au lieu de penser que l’outil fait l’ouvrier, il faut dire que l’insecte exerce son aptitude de spécialiste avec l’outil quelconque dont il est muni. Le travail réalisé, le genre d’industrie, ne peut donc nous renseigner sur l’examen de la bête. Tout à l’heure la vie avait la priorité sur le milieu ; ici l’instinct l’emporte également sur l’organe de la vie par lequel il s’exprime et se rend apparent. Il n’est donc déterminé que par soi.

Mais poursuivons. Le Darwinisme invoque la production d’accidens heureux, favorables. Or précisément l’accident heureux ne se produit pas, quand il pourrait, quand il devrait se produire. Si le philanthe apivore a appris à tuer l’abeille, comment l’abeille, si savante et aussi vigoureuse que lui, n’a-t-elle rien appris de semblable pour sa défense ? Depuis des siècles elle se laisse faire. D’après la théorie, l’assaillant peut donc avoir acquis son talent de meurtre subit, alors que l’assaillie, mieux armée, dans sa défense, joue toujours de la dague sans efficacité ? Cette dague peut tuer cependant le philanthe. Or attaquer et se défendre ont même prix dans la lutte pour la vie ; et en fait, l’abeille manœuvre furieusement de l’aiguillon, mais c’est sans résultats. Si le hasard a amené le coup très précis du philanthe, il aurait dû amener un coup quelconque de l’abeille, coup qui suffirait à tuer le ravisseur.

D’autre part, si l’accident heureux, très généralement, ne se produit pas, quand il se produit, il ne se transmet pas, ne laisse pas d’empreinte. Les pattes antérieures du scarabée sacré n’ont