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pas de tarses, de doigts, si l’on veut. La nymphe n’en a pas davantage. Le scarabée naît donc estropié. On dit que ses ancêtres ne l’étaient pas, qu’ils ont perdu leurs tarses par accident et qu’ils ont transmis ce caractère à leur descendance. Mais alors, pourquoi y a-t-il des tarses aux autres pattes ? Leur absence serait aussi un progrès, en atténuant les conflits avec la rudesse du sol. Or, le hasard amène la production plus ou moins complète de cet état en octobre, et les amputés font race ; pourtant, leur descendance ne met pas à profit l’amélioration de l’adulte. Tout scarabée qui naît a les quatre tarses réglementaires aux quatre pattes postérieures.

Les osmies de la ronce alignent leurs cocons en longues files dans les tiges de cette plante, et les jeunes, nous le savons, sortent d’ordinaire par le bout libre. Si la voie est obstruée, quelques-unes réussissent à sortir par une sortie latérale, les autres meurent. Mais alors, si le mieux doué écartait le moins bien doué, comme le veut la sélection, la race des osmies aurait dû laisser éteindre les faibles qui s’obstinent à la sortie commune et les remplacer par les perforateurs de pertuis latéraux. Il y aurait là un progrès immense pour l’espèce. Ce progrès n’a pas eu lieu. « Toutes les fois, dit M. Fabre, que je veux appliquer la sélection à des faits observés, elle me laisse tournoyer dans le vide. C’est majestueux, mais stérile. »

Ces faits sont importans, et nous pouvons en donner un autre exemple. Il existe une anthidie travaillant la résine, qui entre à l’état de larve au moment où l’osmie bâtit. Quand elle s’établit au fond d’une coquille d’hélice à vaste porche, elle laisse ce porche inoccupé, et il arrive qu’il soit alors occupé par l’osmie ; et les résiniers périssent emprisonnés. Or, il y a de nombreuses hélices moyennes occupées, pour lesquelles le danger de l’osmie n’existe pas, faute de place pour elle vers l’entrée. Ces essais ne sont cependant pas devenus d’usage général par legs atavique ; et nous devons en conclure que, puisque l’insecte ne transmet pas la modification apte à préserver du nuisible, il ne transmet pas non plus celle d’où résulterait pour lui l’avantageux.

En revanche, on voit des caractères désavantageux se transmettre et des faibles subsister. Ainsi le criquet pédestre se prive des organes du vol. Sa larve naît avec l’espoir de l’essor ; mais l’organisme ne remplit pas ses promesses. Les ailes n’au-