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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/99

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personne au sujet des faits de rébellion et de vouloir laisser les portes de la capitale ouvertes pendant plusieurs jours pour permettre d’y entrer ou d’en sortir à volonté. « Nous répondons par des faits, avait dit M. Thiers. Quand notre armée ouvre la tranchée à 300 mètres de Paris, cela ne signifie pas que nous ne voulons point y entrer ! » Le lendemain, M. de Belcastel reprenait le même incident et s’attirait cette réponse de M. Dufaure, garde des Sceaux : « La justice fera son devoir en recherchant les coupables et en les punissant tous, quels qu’ils soient. » M. Mortimer-Ternaux revenait à la charge et affirmait que M. Thiers avait promis à M. Emile Fourcand, maire de Bordeaux, de laisser ouvertes toutes les portes de Paris pendant une semaine, excepté pour les assassins des généraux Clément Thomas et Lecomte. Il faut avoir assisté à cette dramatique séance pour se rendre compte de l’indignation aussi vive que légitime de M. Thiers. « En m’affaiblissant, s’écria-t-il, vous vous affaiblissez vous-mêmes ! » Et s’adressant aux imprudens trop pressés qui l’accusaient, il leur jeta cette terrible réplique : « Il leur faut huit jours encore. Au bout de ces huit jours, il n’y aura plus de danger et la lâche sera proportionnée à leur courage et à leur capacité. » Surmontant alors un tumulte inouï, il ajouta : « Il pèse sur ma tête une responsabilité accablante. Je suis obligé d’ordonner des actes terribles. Je les ordonne, parce que j’ai au fond du cœur la conviction que je représente le droit contre le crime… Il faut que ceux qui veulent que j’aie la force de remplir mon devoir, aient le courage de me la donner ! » Après une intervention conciliante de M. Audren de Kerdrel, l’Assemblée manifesta sa pleine confiance dans le chef du pouvoir exécutif par 490 voix, sans la moindre opposition.

Le 22 mai, M. Thiers annonçait à l’Assemblée frémissante l’entrée des troupes à Paris et promettait que justice serait faite par les voies régulières. « C’est par les lois, disait-il, qu’il faut frapper les scélérats, qui ont violé les propriétés, qui n’ont pas épargné la vie des hommes les plus respectables en en faisant des otages et en les menaçant sans cesse, et qui ont fait ce qu’aucun peuple sauvage n’aurait fait : renversé le monument de la Gloire nationale ! » L’Assemblée honora la conduite de M. Thiers en ces momens tragiques par la déclaration solennelle que les Armées de terre et de mer et le chef du pouvoir