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au cours d’une chasse, je me suis égaré. J’essayai de revenir au point de départ. Ce me fut impossible. J’errai pendant plusieurs heures. Rapidement redescendu vers un des méandres du fleuve, j’essayai de voir l’aviso qui y stationnait, mais les arbres à moitié submergés formaient un rideau trop épais. Je voulus entrer dans l’eau pour dépasser cet obstacle, mais c’était un marécage ou je crus m’enlizer et, y voyant quelques serpens, prudemment je m’abstins. Le commandant eut l’idée de tirer un coup de canon, ce qui, en me permettant de me repérer, abrégea fort heureusement mon odyssée.

A côté de ces paysages grandioses, il en est d’autres non moins émouvans, bien que plus modestes. Il suffit de s’enfoncer dans les igarapés (chemins de pirogues ou tout petits ruisseaux) qui, par myriades, se jettent dans les rivières. On entre en plein bois ; là encore on rencontre ce


Silence des forêts, qui n’est fait que de bruits,


mais ce silence, ce calme, sont d’une nature particulière.

Car on n’est pas seul. Alentour s’agitent et bourdonnent des milliers d’êtres ; seuls les mammifères sont rares. Cela peut paraître extraordinaire, et il semblerait que, dans ces pays à végétation luxuriante, le gibier dût être en abondance. Pourtant, là comme dans toutes les régions équatoriales, les mammifères sont rares, sauf les singes, difficiles, il est vrai, à voir et surtout à prendre vivans. C’est dans la vallée de divers affluens de l’Amazone que se trouve le singe le plus adroit de tous, l’athèles, qui, pour sauter d’une branche à une autre, ne se sert souvent ni de ses bras ni de ses pieds ; il se lance, puis se rattrape simplement avec sa queue. Les tapirs sont beaucoup plus rares. Quant aux jaguars (once, puma, lion d’Amérique) ils ne sont ni nombreux, ni dangereux.

Les oiseaux sont innombrables, et la chasse en est fort amusante ; en quelques jours, nous en avons tué plus de cinquante espèces différentes ; le matin et le soir, ils se tiennent surtout sur les bords de la rivière. Pendant la journée, ils se réfugient vers le centre de la forêt ; dans une ferme de l’Amazone nous avons pu voir dans une volière soixante espèces différentes, depuis l’oiseau-mouche que son vol d’insecte rend si curieux, jusqu’à l’unicorne, ce grand oiseau bizarre au front orné d’une