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Cette méthode barbare de récolte n’aura fatalement qu’un temps. Déjà en Indo-Chine, au Congo, on a essayé de planter du caoutchouc, mais c’est surtout à Ceylan et à Java que cette culture est tentée sur une grande échelle. Le caoutchouc cingalais et océanien, importé d’ailleurs de Para, serait, dit-on, de moins bonne qualité, mais le prix de revient en est inférieur. Aussi, stimulé par la concurrence, — déjà menaçante à l’heure actuelle, plus menaçante encore dans quelques années, — fit-on, en Amazonie, quelques tentatives, peu suivies d’ailleurs. Planté, le caoutchouc pousse, aussi bien dans les terrains d’humidité moyenne que dans les terrains marécageux ; la huitième ou la neuvième année, il commence à rapporter ; la récolte en est d’une facilité extrême. Il paraîtrait que le suc est de qualité inférieure : nul doute, cependant, l’homme arrivera à le perfectionner. Il suffit de voir ce qu’il a fait pour le bétail, les céréales, les fruits, les légumes et les fleurs. Par sélection, il améliorera le caoutchouc comme il a amélioré le cacaoyer dont il existe dans cette région même de si nombreuses plantations artificielles.

Si nous avons insisté sur ce point, c’est qu’il est capital. L’avenir du caoutchouc, comme celui du châtaignier, est lié à une exploitation rationnelle ; on fera pour les forêts ce que l’on a fait pour les céréales : on les cultivera.

L’Amazonie future sera surtout un pays d’exploitation sylvestre ; dans certaines régions on pourra cultiver les céréales, — riz surtout ; — dans d’autres, particulièrement vers l’extrême-nord, sur ces plateaux encore inexplorés qui la séparent des Guyanes, les pâturages pourront être développés. Il y a là en effet d’immenses prairies d’après M. de Couto et M. Filgueiras qui explorèrent les sources du Trombetta.

En même temps que les choses, les individus se modifieront. Jadis le pays n’était peuplé que par des tribus d’Indiens vivant de la chasse et de la pêche. Ils étaient, dit Russel Wallace, le grand naturaliste anglais qui passa sept ans dans la vallée de l’Amazone, beaux et de haute taille. Il existe, paraît-il, encore à l’heure actuelle des tribus analogues : c’est fort possible. Cependant, j’ai vu un grand nombre d’Indiens appartenant à des tribus différentes, soit dans la forêt où ils travaillaient, soit à Manaos même. Rarement il m’a été donné de voir des spécimens de la race humaine plus laids et plus abâtardis ; leur