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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/320

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pour se les associer dans l’administration des biens ; ils devaient décider si, oui ou non, par un geste confiant, ils autoriseraient cette foule tout entière à participer à cette administration, par l’intermédiaire de délégués que librement elle nommerait. Et les évêques inclinaient à répondre oui ; car cette foule, c’était un peuple pratiquant, trop solidement instruit de ses devoirs envers l’Église pour abuser des droits qu’il allait tenir de l’État. Aussi les évêques avaient-ils conclu que, pour éviter des maux très graves, il conviendrait de coopérer à l’application de la loi : des instructions seraient données aux fidèles pour que, d’abord, par acquit de conscience, ils demandassent à l’État la permission de ne pas l’exécuter, et pour qu’ensuite, une fois cette permission refusée, ils ne donnassent leurs suffrages qu’à de bons catholiques. Le 5 avril, Melchers avait écrit à Pie IX pour lui soumettre cette conclusion.

Mais on avait appris, bientôt, les aggravations qu’avait subies le projet de loi, et les prélats s’en étaient effrayés : trois d’entre eux, à la fin d’avril, avaient déclaré à Melchers qu’ils ne considéraient plus comme possible de collaborer à la mise en vigueur d’un tel régime. Melchers, le 30 avril, rapportait ce fait à Antonelli ; il jugeait, lui aussi, que la difficulté devenait sérieuse, et pourtant, il maintenait que par un refus l’Église s’exposerait à de grands périls. Deux lettres d’Antonelli survinrent, l’une du 3 mai, l’autre du 15 : la première, « pour éviter des maux plus graves, » acceptait la solution qu’avait préconisée Melchers dans sa lettre du 5 avril ; la seconde ajoutait que pourtant les évêques ne devraient pas promettre formellement leur soumission à une telle loi. Rome laissait aux évêques allemands le soin de trouver la formule qui conciliât les suprêmes exigences du droit canon et les prétentions de l’État.

Melchers alors se courba sur cette lâche difficile ; il y réussit. Ketteler l’encourageait à une attitude conciliante ; deux évêques qui d’abord eussent souhaité résister finirent par se rallier à l’opinion des autres. La lettre que, le 27 juillet 1875, Melchers fit expédier à tous les curés de son diocèse, servit de règle pour tous les diocèses de Prusse : sans pallier le vice qu’offrait cette loi nouvelle, faite sans le concours de l’Église, il observait que d’une part elle ne touchait qu’à des intérêts temporels ; que d’autre part, la collaboration qu’elle réclamait des laïques n’avait, en soi, rien d’inacceptable pour la conscience, et que