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emprisonné à cette date et qu’il allait rester, pouvant se croire oublié, jusqu’au 16 floréal suivant (5 mai), date de sa translation au Luxembourg.


III

A la fin de 1793, à Saint-Malo qui venait d’être débaptisée et qui désormais allait s’appeler Port-Malo, de même que sa voisine Saint-Servan allait devenir Port-Solidor, la terreur régnait depuis plusieurs mois. Là, comme dans tout le reste de la France, la partie honnête de la population était tombée sous le joug d’une bande de gens sans aveu, représentés dans le Conseil de la commune par quelques hommes pervertis et fanatisés, qui étaient parvenus à en chasser peu à peu les plus modérés. La découverte, au mois de mars, de la conspiration La Rouerie et ensuite le soulèvement des Vendéens avaient eu pour conséquence des mesures violentes que leurs auteurs justifiaient par ce qu’ils appelaient les exigences du salut public. Pour réchauffer leur zèle soi-disant patriotique, étiquette menteuse sous laquelle se cachaient des passions détestables, la Convention avait envoyé, dans les départemens contaminés par les complots et les insurrections royalistes, des commissaires dont l’approbation était acquise d’avance aux procédés les plus iniques. En leur nom et à leur instigation, s’étaient formés à Saint-Malo un comité de surveillance et une commission militaire révolutionnaire, qui ne faisaient qu’un avec le Conseil de la commune pour exercer leur action persécutrice contre les vieilles familles malouines.

Dès le printemps de cette année 1793, ces familles étaient mises en suspicion, objet de vexations sans nombre et de perquisitions opérées à l’improviste dans leurs demeures à la ville et à la campagne. En même temps, les prêtres insermentés étaient traqués, obligés de s’enfuir ou de se cacher ; on expulsait les ordres religieux, on confisquait leurs biens, on violait les sépultures afin de s’emparer du plomb des cercueils ; la cathédrale devenait le temple de la liaison, on en brisait les cloches pour les envoyer à la fonte et leurs cordes étaient livrées à la marine.

Le patriotisme, excité par les insurrections royalistes, aurait pu rendre excusables certaines de ces mesures, s’il avait été autre chose qu’un prétexte allégué pour les justifier. En réalité, on