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cabarets, qui sont tenus de fermer à cette heure. A leur sortie, on cueille les ivrognes parmi lesquels il n’y a pas moins de 30 p. 100 de femmes ; on les encadre entre deux rangs de salutistes et, de gré ou de force, on les emmène dans une salle voisine bien chauffée. Là on leur fait boire du café chaud, pour les dégriser et, lorsqu’ils sont revenus à eux, on les chapitre et l’on s’efforce de leur persuader de renoncer à la boisson. Un témoin oculaire m’a parlé de 26 pour 100 d’ivrognes ainsi ramenés dans une soirée. Cela fait, on les renvoie chez eux, après avoir pris leur nom et l’adresse de leur logis et de leur atelier. Enfin, le lundi (on sait que les tavernes à Londres sont fermées le dimanche), des salutistes vont les attendre à la sortie de l’atelier), afin de les défendre contre les tentatives de séduction de leurs camarades.

M. Booth a établi 147 hôpitaux, pour la guérison des alcooliques, qui sont soumis au traitement de Dalrymple. Les guérisons sont nombreuses. Une des plus célèbres est celle d’un capitaine de steamer au long cours, qui, par suite d’excès de boisson, avait perdu son emploi. Ayant été recueilli un soir dans un des abris salutistes, il fut l’objet d’une cure d’âme suivie et fut guéri. Dès lors, il devint un homme nouveau, regagna son emploi dans la marine et, un an après, revint, en uniforme, remercier publiquement ses amis du service qu’ils lui avaient rendu.

Passons à l’autre fléau social, la prostitution. On ne compte pas moins de 50 000 prostituées, de tout âge, le plus souvent mineures, à Londres, et quand on songe qu’il n’y a pas de réglementation appliquée par la police, on peut se figurer le péril qu’elles font courir à la santé publique. Or, en 1885, après les lamentables révélations de la Pall Mall Gazette sur la traite des blanches, — parmi lesquelles il y avait 45 000 mineures de 18 ans, — le général Booth, assisté de son fils Bramwell, de M. Stead, rédacteur de la dite gazette et de Mme Joséphine Butler, lança une pétition publique au Parlement tendant à l’abolition de cet odieux trafic. Justement, la Chambre des Communes était saisie d’un bill sur la révision de la loi criminelle. La pétition de l’Armée du Salut, qui, en quelques semaines, s’était couverte de 343 000 signatures, vint à point : les députés anglais reculèrent jusqu’à seize ans la minorité légale de la jeune fille. C’est à cette foule de pauvres « Madeleines » que Mme Bramwell Booth, émule