Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/790

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
784
REVUE DES DEUX MONDES.

munique le plan préparé pour l’achèvement de la cathédrale de Nantes. Dans ce plan on doit démolir le chœur ancien pour en édifier un nouveau dans le style de la nef. « Malgré mon respect pour les vieux monumens, dit-il, — et cette protestation de respect n’était assurément pas superflue, — je verrai sans peine la destruction de ce chœur, qui d’ailleurs n’a d’autre mérite que ses huit siècles d’existence, si, comme on se le propose, on copie exactement l’architecture de la nef. » Et cela est détestable. Deux ans après, il est appelé à se prononcer sur la restauration projetée de la maison de Jacques Cœur à Bourges. « Je crois, écrit-il alors, qu’il ne faut pas songer à rétablir la décoration intérieure dans son état primitif. Sans parler des dépenses qu’entraînerait cette restauration, on serait obligé d’inventer à chaque instant ; il faut se borner à réparer les ornemens extérieurs, supprimer les cloisons, refaire les meneaux, enlever les planchers modernes ; en un mot, il faut restaurer ce qui a été endommagé, mais non pas remplacer ce qui a été complètement perdu. » Et cela est acceptable.

On dira que Mérimée s’est élevé contre la néfaste restauration de l’église de Saint-Denis par l’architecte Debret. On citera aussi ses rapports indignés contre la restauration de la crypte Saint-Benigne à Dijon. Mais, dans l’un et l’autre cas, il s’agissait de travaux exécutés en dehors du contrôle de la Commission des monumens historiques ; Mérimée défendait les prérogatives de son « service. »

Il a eu parfois de généreuses indignations contre les architectes, mais, après lui, l’inspection des monumens historiques passa aux mains des architectes, c’est-à-dire de Viollet-le-Duc et de ses disciples. On connaît la désastreuse définition donnée par Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire d’Architecture : « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Ce fut suivant cette maxime que l’on restaura, jusqu’à ces dernières années, tous les monumens de France. Mérimée aurait pu s’opposer à des pratiques que son goût d’artiste et sa conscience d’historien ne pouvaient approuver. Il n’en fit rien. Pourquoi ? Était-ce simplement l’effet de son humeur dédaigneuse, comme l’a prétendu Arcisse de Caumont ? Peut-être. Mais voici d’autres raisons.

Il était l’ami de Viollet-le-Duc, il admirait sa magnifique