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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/892

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le croire, que les uns et les autres soient dotés de ces qualités qui ont fait jusqu’à présent, du Conseil Exécutif du vice-roi, le cœur et le cerveau du meilleur gouvernement que l’Asie ait jamais connu. Nous désirons de tout cœur que la tranquillité de l’Inde ne soit pas sacrifiée à une théorie douteuse qui n’a pas encore été appliquée dans la vie publique de l’Orient. » Ces pronostics pessimistes ne semblent pas réalisés. Dix-huit mois après sa nomination, M. Sinha résignait ses fonctions pour des raisons particulières, et, le 1er novembre 1910, lord Minto choisissait pour le remplacer Syed Ali Iman, qui est le plus réputé des Musulmans indiens. Le gouvernement impérial montre ainsi son désir de tenir la balance égale entre les deux plus importantes communautés de la péninsule, malgré les prétentions contraires des Hindous. Le nouveau conseiller du vice-roi est un brillant orateur, très instruit, que ses opinions rangent parmi les progressistes et les libéraux. Pendant les négociations entre Londres et Calcutta, qui devaient aboutir à l’Indian Councils Act, il a soutenu sans bruit, mais efficacement, les revendications de ses coreligionnaires. Sa nomination fut saluée avec sympathie par la presse de toutes nuances, quoique plusieurs journaux bengalis aient affirmé qu’il ne représentait pas l’opinion moyenne des classes éclairées chez les Musulmans.

Ceux-ci, d’ailleurs, ont mis à profit le souvenir du péril que leur apathie et leur indifférence leur avaient fait courir. La solide organisation de leurs adversaires, leur vigoureuse offensive, avaient failli donner au projet de réformes une orientation qui eût pour toujours assuré la suprématie politique des Hindous sous la protection du British raj. Trop longtemps confians dans la sagesse des conseils de leur chef vénéré, sir Syed Ahmed, ils avaient fini par comprendre que leur foi inerte dans la justice du gouvernement et l’impartialité de l’esprit populaire anglais pouvait leur réserver la destinée des Maures d’Espagne, ainsi que le note M. Valentine Chirol dans sa remarquable étude publiée par le Times de juillet à novembre 1910. Le succès de la Ligue musulmane (All India Moslem League) fondée par Aga Khan, nabab de Dacca, est le résultat de leur nouvelle adaptation aux nécessités de la défense politique et sociale. Moins agressive que les organisations hindoues, plus loyaliste aussi, par reconnaissance autant que par intérêt, son influence fut assez grande sur lord Minto pour faire accorder à la