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« Le Sénat, confiant dans le gouvernement pour appliquer la loi des retraites ouvrières et paysannes avec autant de prudence que de fermeté, et comptant sur lui pour proposer les modifications dont l’expérience aurait démontré la nécessité, etc. » Il n’échappera pas au lecteur que cet ordre du jour ne signifie pas grand’chose, et c’est bien d’ailleurs pour cela qu’il a réuni une si grosse majorité. Quand on lit dans un texte de ce genre qu’une assemblée a confiance dans le gouvernement pour montrer autant de prudence que de fermeté, la banalité de l’expression témoigne de celle du sentiment. Ceux qui trouvent la loi mal faite, et ils sont nombreux, ont voté volontiers qu’ils comptaient sur le gouvernement pour y apporter les modifications dont l’expérience aurait démontré la nécessité. Cela permet toutes les espérances. La vérité est qu’une seule modification serait efficace dans la loi, celle qui supprimerait l’obligation et y substituerait la liberté, mais le ministère actuel ne la fera jamais.

L’ordre du jour ne dit même pas, et cette lacune est significative, que si les tribunaux donnent à l’article 23 une interprétation différente de la sienne, le gouvernement s’inclinera. Sans doute il sera obligé de le faire jusqu’à nouvel ordre, mais on a cru comprendre qu’il se réservait alors de présenter, pour y être introduites, des modifications qui donneraient à la loi un sens conforme à ses vues. Dans ces conditions, un certain nombre de sénateurs ont préféré s’abstenir de prendre part au vote et attendre. Il leur a paru que ce serait montrer dans le gouvernement une confiance un peu ingénue que de compter sur lui pour modifier la loi de manière à leur donner satisfaction. M. le ministre du Travail a parlé avec habileté et courtoisie, mais il s’est montré intraitable sur ce qu’il a appelé les principes de la loi et il a donné à quelques-uns de ces principes une exagération telle que, pour modifier la loi utilement, il faudrait qu’il commençât par se modifier lui-même très au-delà de ce qu’il est raisonnablement permis d’espérer. Le vote du Sénat n’a d’ailleurs qu’une portée restreinte ; il signifie seulement, et rien n’est plus sensé, qu’avant de demander le changement de la loi avec M. Codet, il y a lieu d’en faire l’expérience. Jusqu’où pourra-t-on la pousser ? Nul ne le sait et nul ne le saura encore avant quelque temps.

Où en est le scrutin de liste avec représentation proportionnelle ? Sur ce point encore, nous faisons un aveu d’ignorance. La discussion générale qui vient d’être close a montré les deux partis immuables sur leurs positions et se renvoyant mutuellement des discours dont