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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/100

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à laquelle nous assistons est la ruine de la vie agricole[1]. Si l’école relevait les deux cultes compromis, — la terre et la famille, — les choses ne tarderaient pas à changer et bien des espérances seraient permises.

Avec la puissance du travail décuplée par la machine et l’engrais, avec la terre qui ici appelle l’homme, s’offre à lui presque pour rien, sur laquelle il peut s’étendre à volonté, la famille agricole reconstituée, la famille normale de trois à cinq enfans, fortement groupés autour des parens, serait un merveilleux instrument d’aisance et même de richesse. Elever des enfans deviendrait une affaire avantageuse, et le paysan ne recule pas longtemps devant une bonne affaire. Mais encore faut-il que cette famille se reconstitue, que les jeunes restent fixés dans le métier héréditaire et retrouvent l’esprit de famille avec les sentimens et les vertus qu’il exige.

Sur le premier point nous nous sommes ici même expliqué l’an dernier. L’école n’obtiendra rien, tant qu’elle ne verra pas dans le petit écolier de village ce qu’il est, c’est-à-dire un apprenti. Car il est cela avant tout, c’est son caractère dominant, qui le distingue de tous les autres écoliers de France dont l’apprentissage ne commence qu’après l’école. En cette qualité d’apprenti, il a droit à un traitement moral particulier qui n’est pas seulement un cours d’agriculture même développé. De même, si on veut faire revivre en lui l’esprit de famille, il faut le soumettre à une culture morale intensive, et chercher le disciple dans l’écolier. On n’enseigne la morale qu’au disciple. En cette qualité de disciple, il a droit aussi à des précautions minutieuses et à des égards attentifs, à tout un traitement moral qui n’est pas seulement un cours de morale même soigneusement fait.

Préciser le traitement que méritent l’apprenti et le disciple à la petite école du village gascon est une grave question dont la solution doit être demandée à la seule psychologie associée à un très vif souci de la réalité. Il faut descendre dans la vie psychique du petit paysan, se placer, comme on l’a dit, au centre du courant, entendre tous les flots qui battent, tous les échos qui résonnent, sentir, reconnaître, retenir, utiliser toutes les forces, quelles qu’elles soient, qui peuvent aider le disciple

  1. Revue du 1er août 1909, loc. cit.