Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou arrive mal, au lieu qu’elle y devrait pénétrer à flots pour donner aux caractères gravés sur les murs un relief et un éclat souverains. Il y a pourtant des maîtres qui veulent être éducateurs, qui s’efforcent de faire un enseignement moral efficace, qui y mettent leur application, leur dévouement, l’autorité d’une vie grave et respectée. Il n’en est pas dont l’Université puisse se montrer plus fière. Leur enseignement n’est pas déterminant comme il devrait l’être, il reste trop intellectuel, il est bien compris et retenu, il aboutit à des leçons parfaitement récitées, à des devoirs bien rédigés, il ne va guère au delà. Il ne franchit pas le seuil des régions de l’âme sur lesquelles il devrait porter, où il devrait régner en maître pour réveiller et exciter les forces endormies sans lesquelles l’enseignement de la morale risque d’être une parole vaine.

La Gascogne se meurt, parce que toutes les vieilles sources d’énergie morale y semblent épuisées. L’école ne doit-elle pas être une des sources nouvelles ? Ne peut-elle devenir une fontaine de force et de vie ? Ne saurons-nous pas capter ses eaux et conduire leur cours ? Ne pourra-t-on jamais convier à cette œuvre de salut tous les hommes de bonne volonté ? Nous nous réclamons sans cesse de la raison et de la science : est-il sûr qu’elles puissent ratifier tout ce que nous avons fait en leur nom ? Si jusqu’à présent nous n’avons pas obtenu de l’école pour la culture morale tout ce que nous en attendions, c’est sans doute que la méthode est défectueuse, ou tout au moins manque de souplesse et d’adaptation, reste trop rationnelle, pas assez empirique, ou encore rencontre des difficultés et des obstacles que nous n’avons pas su prévoir. Il importe beaucoup que tous ces points soient éclaircis. Par sa nature et sa gravité, le sujet est trop passionnant pour que philosophes, éducateurs, moralistes, simples observateurs très mêlés à la vie réelle n’y appliquent pas leur curiosité et leur pénétration.

L’âme du paysan est à refaire. L’entreprise paraîtra vaste et même vague. Mais on peut lui donner des contours plus définis et des proportions plus abordables. Il faut avant tout mettre dans le cœur des jeunes l’amour de la terre et de la famille. Les deux choses se tiennent. La solidité du groupement familial est la base et la condition du travail des champs ; si cette solidité est ébranlée, le paysan est un impuissant, bientôt un découragé, à la première occasion un déraciné. La poussée d’individualisme